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10.1. L’indispensable attitude de pleine conscience

Dans le cadre des tâches de leadership, la question se pose de savoir si une formation systématique à la pleine conscience peut aider à améliorer le comportement de leadership, et si oui, comment. Plusieurs arguments soutiennent l’hypothèse selon laquelle cela aura un impact positif sur le comportement managérial. Dans ce qui suit, nous montrons un certain nombre d’effets positifs possibles de la pleine conscience.

La complexité et le rythme implacable de notre monde imposent des exigences exceptionnelles aux dirigeants d’aujourd’hui. Ils travaillent incroyablement dur et pourtant ils sentent qu’ils ne répondent pas à leurs propres attentes d’excellence. Ils se sentent déconnectés de leurs propres valeurs et débordés. Par milliers, ils recherchent des livres sur les compétences en leadership, la gestion du temps et «faire avancer les choses».

Au cours de la dernière décennie, la pleine conscience est devenue le courant dominant et le centre d’intérêt croissant de la recherche en sciences de gestion. C’est une partie essentielle de l’approche psychologique de la thérapie d’acceptation et d’engagement et autres.

Plus d’une centaine d’études mettent en évidence l’impact positif des interventions basées sur la pleine conscience sur une variété de paramètres pertinents pour la gestion. La pleine conscience est devenue une intervention bien établie dans des contextes managériaux. Parmi les résultats auxquels ont abouti ces études, il est cité de façon explicite de l’efficacité de la pleine conscience par rapport à la réduction du stress.

Ces études révèlent comment la pleine conscience peut aider les dirigeants et les managers à accomplir leurs tâches avec plus de succès et de manière beaucoup plus détendue

D’autres études ont montré que les personnes occupant des postes de direction ont tendance à développer l’illusion d’être au-dessus de la moyenne, ce qui peut potentiellement nuire à leurs relations et avoir un impact sur les autres.

La pleine conscience est un concept viable pour rendre le management et leadership dans les organisations plus efficaces. Pourtant, dans la recherche sur le leadership psychologique, peu d’attention a été accordée à la pleine conscience et à ses effets productifs.

« Lorsque vous marchez, mangez et voyagez, soyez présents. Sinon vous passerez à côté de la majeure partie de votre vie. »

Bouddha

La prise de conscience (« mindfulness ») décrit l’attitude d' »être là » et de percevoir une situation sans se laisser emporter par des interprétations trop hâtives et sans réflexion. Une attitude consciente implique d’être présent, précis et impartial dans l’observation de « ce qui est là » et de l’accepter comme tel.

La pleine conscience va de pair avec le contrôle des préjugés, permettant une perspective moins biaisée subjectivement tout en empêchant la perception d’être victime spontanément et inconsciemment de l’autocritique ou de l’excès de confiance.

10.1.1. Qu’est-ce que la pleine conscience ?

Le terme vient à l’origine de la tradition bouddhiste et, pour le dire simplement, décrit deux composants : la bonne intention et la bonne concentration. Il s’agit de la capacité de l’esprit à s’attarder sur quelque chose et à être captivé par elle.

Cela signifie, par exemple, la capacité de simplement manger et goûter à un repas sans déjà penser à la prochaine tâche, d’écouter attentivement votre ami et de comprendre ce qui l’émeut sans formuler votre propre réponse intérieurement, d’écouter le professeur, sans penser à l’examen du lendemain après-midi, s’impliquer dans la tâche en cours sans regarder le téléphone portable. Certains des exemples vous semblent-ils familiers ? Nous nous laissons souvent distraire dans la vie de tous les jours et le manager davantage.

La pleine conscience signifie percevoir consciemment tout ce qui est nouveau. Si vous faites un effort, vous êtes automatiquement dans le présent. Cela vous rend plus sensible au contexte et à la perspective des choses – ne serait-ce que parce que vous devez vraiment vous engager avec ce qui se passe autour de vous.

Cela vous donne de la force et ne vous coûte pas d’énergie. Il y a toujours des dirigeants qui croient que la pleine conscience est épuisante parce qu’il faut beaucoup réfléchir. Ils ont tort. Ce qui nous stresse vraiment, c’est notre façon d’évaluer constamment négativement tout ce qui nous entoure – et la croyance fondamentale que l’on va sûrement bientôt rencontrer un problème au-delà de nos capacités.

Ne vous méprenez pas : il est tout à fait humain d’aspirer à la stabilité et de vouloir maintenir le statu quo. Nous avons tous tendance à croire que c’est ainsi que nous pouvons prendre le contrôle de la vie. Mais cela ne fonctionne pas.

PAROLES DE FEMMES

« Etre seule signifie me fermer aux voix du monde pour pouvoir entendre ma propre voix. »

Oprah Winfrey

Tout dans notre vie est en mouvement. Plus nous essayons de nous accrocher aux choses, plus vite nous perdons le contrôle. Cela entraîne souvent un comportement mécanique. Nous ne captons les signaux du monde extérieur que dans une mesure limitée et réagissons automatiquement. Ce n’est souvent pas adapté à la situation

Prenez par exemple, le processus de raisonnement managérial : Beaucoup de responsables considèrent que si quelque chose doit être suivie, elle doit l’être en intégralité. Ce n’est pas vrai. Il existe toujours une multitude de possibilités et de méthodes différentes pour aboutir à quelque chose ou encore mettre fin à quelque chose. La question de savoir laquelle est la bonne dépend du contexte.

Les problèmes d’aujourd’hui ne peuvent être résolus avec les solutions d’hier. Donc, si quelqu’un vous dit : « Vous devez mémoriser cela jusqu’à ce que ce soit une seconde nature pour vous », votre sonnette d’alarme devrait sonner. Parce que c’est ainsi que vous n’obtenez qu’une action mécanique irréfléchie.

Les règles peuvent certainement avoir leur justification – mais elles fonctionnent principalement pour la personne qui les a établies. Moins vous avez de points communs avec cette personne, plus vous aurez de problèmes avec ses règles, car, à moins d’être attentif alors vous allez vous laissez guider par des objectifs et des processus routiniers, mais pas maîtrisés.

La pleine conscience améliore les performances. Une étude a été menée avec un groupe de symphonistes. Étonnamment, les musiciens trouvaient souvent leur travail mortellement ennuyeux. Ils souffraient de devoir jouer les mêmes morceaux de musique encore et encore. D’autre part, leur travail va de pair avec un statut social élevé, auquel ils ne veulent pas renoncer facilement.

Dans cette étude, les musiciens ont été scindés en deux groupes. Il a été demandé au premier de jouer un morceau de musique qu’il connaissait déjà. En d’autres termes, il s’agissait pour les musiciens de récupérer les connaissances qu’ils connaissaient déjà : Une tâche relativement ennuyeuse,  qu’ils aient apprécié la musique ou pas.

Il a été demandé au deuxième groupe de musiciens d’étudier une nouvelle pièce musicale qu’ils ne connaissaient pas préalablement. Ils devaient faire attention à cela. D’un point de vue purement musical, les tâches différaient peu, les deux morceaux de musique étaient des symphonies classiques.

Ensuite, les deux groupes doivent jouer les pièces répétées pour certains invités qui ne connaissaient rien à la dite étude. Le résultat était sans appel : les favoris du public étaient les musiciens, qui avaient répété une pièce jusque-là inconnue pour et qui ont ainsi pénétré ensemble dans un nouveau territoire musical.

Apparemment, le fait que chaque musicien devait beaucoup se concentrer sur sa propre voix lors de l’audition signifiait que la performance globale était également meilleure.

La concentration de l’entraînement nécessite de la pratique pour diriger la pensée et l’attention sur une seule chose.

10.1.2. A quoi ressemble la pleine conscience ?

Le premier chemin vers la pleine conscience est la prise de conscience qu’il existe plusieurs chemins et possibilités plutôt qu’un seul. Dans la pensée, cela implique la formation constante de nouveaux « reflexes ».

Il s’agit de modifier la façon dont les événements ou les impressions étaient initialement stockés. Lorsque nous envisageons de nouveaux réflexes dans la pensée consciente, nous prenons en compte la situation et le contexte »

Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Par exemple, vous pourriez consciemment rechercher le dialogue avec des collaborateurs qui ne partagent pas votre opinion. Vous pouvez inclure dans vos scenarios des informations qui ne correspondent ou qui contredisent la décision que vous auriez prise.

En situation de stress, il peut arriver que vous continuiez à gérer les choses « comme avant ». Le succès sera modéré. Il serait préférable d’apprendre à connaître de nouvelles façons de réagir.

Ainsi, lors de la planification par exemple, vous pourriez penser à différents scénarios et ne pas vous enfermer dans un seul.

  • Et si les choses se passent bien,
  • Et si les choses se passent mal,
  • Y aurait-il une troisième voie

« Quelle que soit la tâche que vous effectuez, faites-la lentement, avec l’attention qu’elle mérite. Ne la bâclez pas pour en finir. Soyez relaxé en toute chose et portez-y toute votre attention. »

Thich Nhat Hanh, moine bouddhiste vietnamien, militant pour la paix , auteur prolifique, poète, enseignant, un des maîtres zen les plus influents au monde, Connu comme le père de la « pleine conscience « ,

Dans vos conversations ou vos réunions, vous pourriez consciemment comprendre la perspective des autres : comment les autres conçoivent-ils la situation, que pensent-ils, quelle est leur perspective ? Pourquoi devrions-nous faire cela ?

La perception se rétrécit, en particulier sous la pression du temps et du stress. Il peut arriver que nous ne remarquions plus de petites choses. Par exemple, nous ne réalisons pas que nous n’avons pas appelé tel client depuis longtemps. Il nous manque un élément important sur la liste des choses à faire. Cela fait longtemps qu’on n’a pas discuté en tête à tête avec nos employés. On  oublie souvent de leur faire part de nos appréciations…. etc.

Dès lors, il va falloir que nous ralentissions consciemment et réfléchissions. Nous devons faire des distinctions prudentes et envisager des catégories alternatives différenciées.

La pleine conscience signifie également capter de nouvelles informations, même si elles ne correspondent pas toujours aux données précédentes. Cela implique de prêter attention aux signaux (même les petites impressions) et de les traiter activement. Une boucle de rétroaction permanente est alors installée.

Une fois par semaine prenez 30 minutes pour réfléchir :

– Quels sont vos objectifs et projets ? Qu’est-ce qui est important pour votre organisation ? Et pour vous ?

– Qu’avez-vous fait au cours de la semaine ? Les actions menées correspondent-elles à vos objectifs et à vos valeurs ?

– Faites attention aux petits changements.

– Y a-t-il de petits écarts, de nouvelles informations, des changements, des signes avertisseurs ?

10.1.3. Management et pleine conscience

Un penseur conseillait «  Si vous voulez être un bon leader, regardez d’abord à l’intérieur de vous-même ». L’attitude de base de l’autogestion, comprend la pleine conscience, la conscience des valeurs et du sens, ainsi que l’autoréflexion.

Les outils comprennent l’établissement d’objectifs, la planification, le respect de certains principes d’établissement des priorités, ainsi que l’efficience et l’efficacité.

Il n’est pas rare que quelqu’un ait parcouru un itinéraire bien connu en voiture et ne peut pas se souvenir exactement de grandes sections de routes qu’il a empruntées jusqu’à sa destination. Ce phénomène est appelé « absence de conscience »

Cela est également valable pour de nombreuses actions fortement habituelles qui ont lieu implicitement et de manière routinière et contrôlé par une sorte de pilote automatique cognitif.

Néanmoins, la distraction est l’une des principales causes d’accidents et de comportement à risque dans le trafic routier, mais aussi dans contexte opérationnel lorsque les activités sont monotones et peu variées.

« Soyez heureux dans l’instant, ça suffit. Chaque instant est tout ce dont nous avons besoin, pas plus. » 

Mère Teresa

Il y a un danger certain de ne pas être pleinement « présent ». Contrairement à de telles activités quotidiennes, le leadership est généralement associé à des tâches plus exigeantes. Un comportement automatisé peut également se produire dans la gestion quotidienne, amenant le manager à réagir de manière stéréotypée à des situations familières.

L’action automatique est-elle donc toujours contre-productive pour le manager ? Absolument pas. L’action mécanique peut être utile pour les tâches de routine. Les réactions automatiques aux tâches connues économisent de l’énergie et vous rendent plus rapide.

Mais gardons à l’esprit que cela signifie également que vous ne remarquez plus quand votre comportement n’est plus en adéquation par rapport à la situation ou à l’objectif. Ce comportement devient alors inefficace.

A bien réfléchir, il n’est nullement contestable que nous avons en fait beaucoup plus de temps qu’avant. Alors d’où viennent le stress et la pression au travail ?

Aujourd’hui, on a souvent le sentiment qu’on a de plus en plus de travail, qu’il faut être disponible de plus en plus vite et réagir de plus en plus vite. Cela est dû à l’intensification du travail. À certaines périodes, les exigences s’intensifient. Cela rend difficile la relaxation et la concentration. Nous ne pouvons pas toujours modifier les exigences.

Le manager conscient est quelqu’un qui incarne la présence du management et du leadership en cultivant la concentration, la clarté, la créativité et la compassion au service des autres.

Une autre forme d’insouciance consiste à agir comme s’il n’y avait qu’une seule voie, une seule alternative, une seule règle, une seule stratégie pour sauver votre entreprise. Ce reflexe devient également inefficace car il risque de bloquer la vue de possibilités (éventuellement meilleures). Vous devenez « rigide ».

Imaginons un instant, que tel manager communique avec un de ses collaborateurs via WhatsApp sur un sujet controversé et délicat. Soudain, un malentendu ou une incompréhension survient. Le manager explique ou se justifie. La réponse est considérée comme outrageante par le collaborateur. Ce dernier, offensé, réagit. Si le manager continue à discuter via WhatsApp, il oublie qu’il y a d’autres d’options qu’il est en train d’occulter et qui peuvent être plus efficaces (telles par exemple, qu’appeler ou « mieux » (quand c’est possible) de rencontrer en tête son collaborateur.

Les conflits ont tendance à s’aggraver lorsqu’ils sont résolus via les messageries. Dans ce cas, il serait très logique d’utiliser d’autres canaux de communication

Comment la pleine conscience peut-elle être utile ? Dans le contexte du niveau élevé de stress et des nombreuses interruptions du flux de travail auxquelles les managers sont exposés, une capacité de concentration accrue pourrait également aider les managers à mener à bien leurs tâches plus efficacement et avec moins d’erreurs.

Le changement d’un style de leadership autocratique vers un style plus égalitaire et participatif, une distribution plus large et associée du pouvoir, l’influence et de la responsabilité dans les organisations se reflètent principalement dans les nouvelles théories du comportement de leadership. Une nouvelle compréhension des rôles et des tâches mais a également des implications pour la pleine conscience des dirigeants.

Selon la théorie du leadership authentique, la pleine conscience contribue à ce que les dirigeants soient plus cohérents avec eux-mêmes et puissent aligner leurs actions de manière plus crédible sur des convictions personnelles et des valeurs fondamentales transparentes.

L’augmentation de la pleine conscience offre des opportunités prometteuses pour effectuer des tâches de gestion de manière plus authentique, meilleure et plus réussie.

HISTOIRES A MÉDITER

CACHER LA DIVINITE EN L’HOMME LUI-MEME

Il y a longtemps, tous les hommes étaient divins, mais l’humanité a tellement abusé de ce privilège que Brahma, le dieu de tous les dieux, a décidé que la divinité (l’être essentiel de Dieu) devait leur être retirée.

Mais il devait la cacher là où l’homme ne la retrouverait jamais. « Enterrons-le profondément dans la terre », a suggéré un dieu.

Brahma a dit : « Non, l’homme creusera jusqu’à ce qu’il la trouve. »

« Alors jetons-le dans la partie la plus profonde du plus grand océan », a proposé un autre dieu.

« L’homme apprendra à plonger et un jour, il la rencontrera », a insisté Brahma.

« Alors il peut être caché dans les nuages au sommet de la plus haute montagne de l’Himalaya. »

« L’homme parviendra à monter aussi haut un jour », a dit Brahma, puis il a ajouté :

« J’ai une meilleure idée. Cachons-le là où il ne pensera jamais à regarder : à l’intérieur de l’homme lui-même. »

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