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6.7. La décision en groupe

A une époque de forte pression concurrentielle et d’environnement en constante évolution, le processus décisionnel est au centre de nos préoccupations.

Les bonnes décisions peuvent avoir un impact important et faire une grande différence entre des organisations concurrentes. Étant donné qu’un risque trop élevé doit être évité lors de la prise de décisions et que souvent ce sont ces décisions qui vont permettre de faire la différence avec la concurrence.

Décision individuelle ou en groupe ?

La question de savoir quand les problèmes et les tâches peuvent être résolus qualitativement mieux, plus rapidement et plus efficacement par des individus ou des groupes, la prise de décisions est d’une grande importance.

La question de la prise de décision fait l’objet de diverses disciplines telles que la psychologie, la sociologie, la philosophie, le droit, l’administration des affaires, la biologie, les mathématiques ou l’informatique. Chaque discipline a ses propres méthodes pour étudier la prise de décision humaine et tirer des conclusions valables.

Les manuels économiques traitent généralement du comportement décisionnel des individus et des groupes. Les manuels de psychologie sociale considèrent que les groupes se comportent différemment des individus. Le concept de désindividuation met justement l’accent sur le changement de comportement d’une personne lorsqu’elle agit de façon individuelle ou alors incorporée à un groupe

Une autre découverte de la psychologie sociale est «l’effet de discontinuité» : les groupes montrent un comportement plus compétitif dans les situations de dilemme social que les individus.

En réalité, les décisions sont souvent prises par des groupes ou des entreprises plutôt que par des individus. Dans les organisations d’aujourd’hui, la majorité des décisions sont prises par des groupes, des équipes ou des commissions. Il est donc légitime de se demander si les décisions collectives sont en principe préférables aux décisions individuelles.

PAROLES D’EXPERT

« Nous ne devrions pas nous attendre à ce que les individus produisent un bon raisonnement, ouvert d’esprit et à la recherche de la vérité, en particulier lorsque l’intérêt personnel ou des préoccupations de réputation sont en jeu.

Mais si vous rassemblez les individus de la bonne manière, de sorte que certains individus puissent utiliser leurs pouvoirs de raisonnement pour réfuter les affirmations des autres, et que tous les individus ressentent un lien commun ou un destin partagé qui leur permet d’interagir civilement, vous pouvez créer un groupe qui finit par produire le bon raisonnement en tant que propriété émergente du système social.

C’est pourquoi il est si important d’avoir une diversité intellectuelle et idéologique au sein de tout groupe ou institution dont le but est de trouver la vérité (comme une agence de renseignement ou une communauté de scientifiques) ou de produire une bonne politique publique (comme une législature ou un conseil consultatif). » 

Jonathan Haidt, The Righteous Mind: « Pourquoi les bonnes personnes sont divisées par la politique et la religion« 

Pour les organisations, ce n’est pas seulement une curiosité de savoir si ce sont les individus ou les groupes qui prennent de meilleures décisions, c’est une information vitale pour assurer une efficacité et un succès à long terme.

Les organisations ont un grand intérêt à acquérir des connaissances sur l’influence des décisions individuelles et de groupe sur la qualité de la décision Il devient donc important que les organisations sachent qui prend les bonnes décisions. Est-ce l’individu ou est-ce le groupe ?

De nombreuses recherches montrent que les décisions de groupe sont de meilleure qualité que les décisions prises par des individus.

6.7.1. La réalité des décisions en groupe

L’une des raisons en est que la prise de décision fait partie du quotidien de toute organisation et qu’elle joue un rôle déterminant dans son succès. La question est de savoir quand les problèmes et les tâches peuvent être résolus qualitativement, plus rapidement et plus efficacement par des individus ou par des groupes. Les études antérieures n’ont pas encore été en mesure de porter un jugement décisif sur cette question complexe.

Plusieurs recherches ont été menées pour répondre à cette question.

Dans les organisations d’aujourd’hui, la majorité des décisions sont prises par des groupes, des équipes ou des commissions. Et pourtant l’opportunité pour une seule personne de prendre une décision sans qu’il ne soit nécessaire de consulter les autres membres du groupe permet une prise de décision plus rapide et d’une plus grande efficacité dans la manière de travailler qui en résulte.

En effet, le fait qu’il y ait moins de communication et d’accord à obtenir au cours d’une décision individuelle conduit à une performance plus efficace. Il est donc légitime de se demander si les décisions de groupe sont en principe préférables aux décisions d’individus.

Un autre avantage d’une décision individuelle réside dans l’évitement des compromis. En effet, les individus ne sont pas dépendants de la recherche d’un compromis auquel tous les membres du groupe doivent adhérer.

Nous savons tous qu’un compromis est souvent utilisé comme terrain d’entente et reflète rarement l’opinion personnelle de chaque membre. Il y a une chance qu’une meilleure décision puisse être prise grâce à moins de consultations.

Toutefois, la décision individuelle avec l’absence d’opinions diverses, d’idées et de suggestions controversées s’avère être un risque certain. Il peut en effet y avoir le risque qu’une seule personne ne résolve un problème qu’en utilisant des moyens qu’elle maitrise bien et qu’elle manque de créativité ou de compétences pour trouver d’autres solutions.

Comme aurait dit Bill Gates « Si on a qu’un marteau comme outil, tous les problèmes ne tarderons pas à ressembler à des clous à enfoncer dans le mur »

Un autre inconvénient de la décision individuelle réside dans le fait qu’un individu, engageant sa responsabilité serait plus enclin à ne pas opter pour une option parce qu’elle est plus risquée qu’une autre alternative disponible.

En assumant seul la responsabilité de la décision, il peut arriver que cette personne, par peur, soit moins courageuse et prenne une décision moins risquée et donc peut-être pas la plus performante ou la plus indiquée.

En revanche, la méthode de décision de groupe est souvent choisie dans les organisations lorsque des problèmes complexes doivent être résolus, L’avantage procuré par cette démarche est que, grâce à la rencontre de diverses opinions et de savoir-faire nombreux et différents, l’avantage de la créativité et du vivier de connaissances, on peut identifier des risques qui auraient pu passer inaperçus dans une décision individuelle. De plus, des solutions plus diverses peuvent être développées en groupe à travers des discussions.

Un autre avantage à la décision du groupe tient au fait que les groupes dans les organisations sont constitués de personnes généralement issues de plusieurs structures ou départements concernés par la décision. Cela signifie que les objectifs et les intérêts de chaque département sont pris en compte lors du processus de prise de décision, de sorte que dans le meilleur des cas tous les départements bénéficient de la décision.

Parmi les inconvénients de la décision en groupe, on peut relever la possibilité que tous les membres d’un groupe ne veulent pas (la prise de décision étant sujette de nombreux biais) pas fournir les informations dont ils disposent. La décision qui va être prise est handicapée des informations qu’un membre du groupe pourrait masquer aux autres membres. Cette situation connue sous le nom de « profil caché » induit le risque que la décision prise ne soit pas la meilleure pour le problème à résoudre

Voici quelques résultats d’une recherche rapportée par Forbes en 2017 faisant ressortir les avantages de la diversité de pensée :

  • Les équipes surpassent les décideurs individuels dans 66% du temps, et la prise de décision s’améliore à mesure que la diversité des équipes augmente.
  • Par rapport aux décideurs individuels, les équipes entièrement masculines prennent de meilleures décisions commerciales dans 58 % du temps, tandis que les équipes mixtes le font dans 73 % du temps.
  • Les équipes qui incluent également un large éventail d’âges et des personnes issues d’emplacements géographiques différents, prennent de meilleures décisions commerciales dans 87 % du temps.

En réalité, au lieu de se demander si des individus ou des groupes prennent de « meilleures » décisions, il est plus juste de se demander dans quelles circonstances et dans quelles conditions de meilleures décisions qualitatives et efficaces peuvent être prises.

6.7.2. Caractéristiques des décisions prises en groupe

La prise de décision, comme toute autre activité organisationnelle ne se déroule pas dans le vide. En général, la prise de décision est une activité hautement sociale, avec des comités des groupes d’étude, des commissions d’examen ou des équipes de projet qui y contribuent de diverses manières.

Pour des raisons évidentes, les décisions prises en groupe peuvent être considérablement  différentes de celles prises par des individus. C’est cette divergence potentielle dans les résultats qui rend la prise de décision de groupe attrayante.

De plus en plus, des projets de recherche en coopération avec plusieurs partenaires se caractérisent de plus en plus par un caractère transnational et interdisciplinaire. L’informatique collaborative est déjà là depuis un bon bout de temps. Cet ensemble diversifié de technologies de l’information créées pour favoriser le travail entre individus. Les outils numériques ajoutent de nouvelles possibilités didactiques au travail conjoint sur divers contenus.

Pour améliorer la productivité et la créativité de la main-d’œuvre de plus en plus d’organisations mettent en œuvre des technologies informatiques collaboratives qui permettent aux employés individuels d’accéder plus facilement les uns aux autres et aux informations dont ils ont besoin quand ils en ont besoin

Quoique des études montrent que ces techniques collaboratives sont généralement victime d’une mise en œuvre de mauvaise qualité. En effet, au lieu de servir à identifier et résoudre des problèmes, nombreuses sont les personnes qui reconnaissent qu’ils les utilisent simplement comme un outil de communication, pour envoyer et recevoir des e-mails. Un peu comme si un ordinateur ne devait servir qu’au traitement de texte.

En prenant l’hypothèse que deux (ou plusieurs) têtes peuvent être meilleures qu’une seule et que les managers peuvent faire un meilleur usage de leur temps en déléguant diverses tâches de prise de décision, il est tout à fait justifié de se tourner vers les groupes pour prendre un certain nombre de décisions.

Mais avant de faire participer d’autres personnes dans le processus de décision, les gestionnaires doivent être conscients du problème de la dispersion de la responsabilité et considérer les conséquences de cette dispersion et envisager l’équilibre entre les avantages et les inconvénients de la prise de décision assistée par le groupe.

Compte tenu de ces problèmes et des résultats de recherche comparant les performances individuelle et collective, une approche contingente est recommandée, une approche qui tienne compte donc des situations, des circonstances et des environnements.

« Les décisions à la majorité ont tendance à être prises sans engager la pensée systématique et les capacités de réflexion critique des individus du groupe. Étant donné la force du pouvoir normatif du groupe pour façonner les opinions des adeptes qui se conforment sans réfléchir, elles sont souvent prises au pied de la lettre.

La minorité persistante force les autres à traiter les informations pertinentes avec plus d’attention.

La recherche montre que les décisions d’un groupe dans son ensemble sont plus réfléchies et créatives lorsqu’il y a une dissidence minoritaire que lorsqu’elle est absente. »

Philip G. Zimbardo, L’effet Lucifer : « comprendre comment les bonnes personnes deviennent mauvaises »

6.7.3. Nécessité d’une approche contingente

Deux têtes ou plus valent-elles mieux qu’une nous dit-on. En réalité cela dépend de la nature de la tâche, de la capacité des contributeurs, et de la forme d’interaction (voir tableau ci-après).

L’examen des conclusions d’une douzaine d’études sur les performances d’un individu par rapport à celle d’un groupe, menées sur une période de 60 ans a conduit à se rendre compte que :

  1. les groupes ont tendance à être quantitativement et qualitativement meilleurs que l’individu moyen ;

  2. les individus exceptionnels ont tendance à surpasser le groupe, en particulier lorsque la tâche est complexe et que le groupe est composé d’individus relativement peu performants.

Par conséquent, les gestionnaires occupés doivent déléguer certains aspects du processus décisionnel (spécifié précédemment) selon les contingences apparaissant au tableau ci-après :

Nature de la tâcheAperçu de la recherche
Tâche de résolution
de problème
Les individus sont plus rapides, mais les groupes ont tendance à produire de meilleurs résultats
Tâche complexeMeilleurs résultats obtenus en faisant appel à des personnes travaillant seules
Tâche de brainstormingIdentique à la tâche complexe
Tâche d'apprentissageLes groupes surpassent systématiquement les individus
Maîtrise de la tâche créativeLes contributions des membres du groupe à capacité moyenne ont tendance à s'améliorer lorsqu'ils sont associés à des membres du groupe à capacité élevée

Source : Comparaison expérimentale de groupes et d’individus sur 4 dimensions : tâche, processus, différences individuelles et méthodologie In Psychological Bulletin, 91 Mai 1982

Vive la contingence !

Il n’existe pas une seule et unique meilleure façon d’organiser, d’enseigner, de faire des recherches ou de prendre des décisions. Ce qui fonctionne dans une organisation et ce qui fonctionne par rapport à un problème spécifique peut ne pas fonctionner dans une autre organisation ou par rapport à un autre problème.

La « meilleure approche » est celle qui s’adapte aux circonstances. Il est donc crucial d’étudier comment ces facteurs circonstanciels affectent le processus de prise de décision et ses résultats. Quelles sont les contingences pour choisir une stratégie de décision appropriée ?

De nombreux chercheurs et managers considèrent que le reflexe le plus adapté pour prendre une décision réside dans l’adaptation des stratégies de décision aux situations.

Les décideurs sont des êtres humains qui mangent, dorment, ont des familles et des intérêts variés ; la diversité et le compromis font partie de leur quotidien. De plus, la notion de buts clairs et simples pour les organisations est généralement une simplification excessive. Les objectifs organisationnels sont complexes et souvent contradictoires.

Le problème de l’incertitude est intrinsèque à la vie organisationnelle. En fait, la gestion de l’incertitude est un problème commun à toutes les organisations nous avertit Mintzberg. Il n’existe aucun critère généralement accepté pour faire face à l’incertitude dans la prise de décision. Il est pratiquement impossible de choisir la meilleure option lorsque les conséquences sont obscures. L’incertitude fait de la maximisation un choix impossible.

Ensuite il faut se rendre à l’évidence. Cette fois-ci une certitude : Aucune personne ou organisation n’est assez intelligente pour maximiser quoi que ce soit; même le système informatique le plus avancé ne peut accomplir cet exploit.

« L’objectif ne devrait pas être de prendre la décision parfaite à chaque fois, mais de prendre moins de mauvaises décisions que tout le monde. »

Spencer Fraseur

Aucun modèle ou idée arrêtée ne peuvent nous contenter en matière de prise de décision comme d’ailleurs dans n’importe quel autre domaine. Ainsi, aucun ordinateur actuel n’est capable de gérer la quantité d’informations essentielles pour choisir le meilleur coup dans une partie d’échecs.

Autrement dit chercher le meilleur moyen de prendre la meilleure décision est plus facile à dire qu’à faire. Rappelons-nous Herbert Simon qui a introduit la stratégie de la « satisfaction » pour décrire une version réaliste de la prise de décision rationnelle.

Cela dépendra entre autres du contenu du sujet. Dans quelle mesure les managers perçoivent un problème comme simple ou complexe, familier (connu) ou nouveau (inconnu) et important ou sans importance.

Par exemple, les problèmes complexes et inconnus nécessitent souvent des processus de décision plus basés sur l’information, alors que les problèmes qui sont très importants pour la survie d’une entreprise peuvent être résolus de manière plus centrale.

Il s’agira aussi de savoir si un sujet est controversé (impliquant des conflits d’intérêts spécifiques au sein de l’entreprise).

Les considérations environnementales ne doivent être négligées. Les facteurs importants dans l’environnement d’une organisation sont les entreprises concurrentes, les réglementations gouvernementales, les facteurs économiques, les coutumes et les normes sociétales.

Au niveau individuel, les facteurs importants à considérer sont les traits de personnalité des décideurs, leurs croyances spécifiques concernant le sujet en discussion, leurs motivations, les facteurs sociaux tels que la façon dont les autres membres de l’organisation « ressentent » le problème en question, et les capacités intrinsèques à résoudre le problème, telles leurs compétences en négociation.

Vroom et Yetton de leur côté invitent les managers à se poser un certain nombre de questions pour apprécier le niveau d’implication des suiveurs dans la décision :

  1. Existe-t-il une exigence de qualité ? La nature de la solution est-elle critique ? Existe-t-il des motifs techniques ou rationnels de sélection parmi les solutions possibles ?
  2. Ai-je suffisamment d’informations pour prendre une décision de qualité ?
  3. Le problème est-il structuré ? Les pistes d’action et les méthodes alternatives pour leur évaluation sont-elles connues ?
  4. L’acceptation de la décision par les subordonnés est-elle essentielle à sa mise en œuvre ?
  5. Si je devais prendre la décision par moi-même, est-il raisonnablement certain qu’elle serait acceptée par mes subordonnés ?
  6. Les subordonnés partagent-ils les objectifs organisationnels à atteindre pour résoudre ce problème ?
  7. Un conflit entre les subordonnés est-il probable pour obtenir la solution préférée ?

PAROLES DE FEMMES

« Ils vous diront que vous êtes trop bruyant, que vous devez attendre votre tour et demander la permission aux bonnes personnes. Fais-le quand même. »

Alexandrie Ocasio Cortez. Femme politique et militante américaine. Représentante des États -Unis pour le 14e district du Congrès de New York

6.7.4. Le problème de la dispersion des responsabilités

La psychologie sociale nous apprend que les groupes se comportent différemment des individus. Le concept de « désindividuation » développé par Festinger, Pepitone et Newcomb (1952) selon lequel, être dans un grand groupe ou dans une foule peut nous amener à adopter des comportements antisociaux, décrit le changement de comportement d’une personne lorsqu’elle agit en groupe ou en tant qu’individu.

L’anonymat et le partage des responsabilités entre plusieurs personnes au sein du groupe se traduisent par des comportements moins modérés et des comportements plus impulsifs et agressifs.

Ceci est mis en exergue par « l’effet spectateur », ce phénomène selon lequel, en cas d’urgence, l’individu est moins enclin à apporter son aide lorsque d’autres personnes sont présentes. La présence des autres personnes augmente l’anonymat et la responsabilité est partagée entre les autres et diminue pour l’individu.

Ensuite, il existe une différence essentielle entre la prise de décision assistée par le groupe et la prise de décision en groupe. Dans le premier cas le groupe fait tout (Il aide à la prise de décision) sauf prendre la décision finale. Dans le second cas, le groupe prend effectivement la décision finale.

Les managers qui choisissent la deuxième voie sont confrontés à un dilemme. Bien qu’une décision prise par un groupe reflète probablement l’expérience et la sagesse collectives de toutes les personnes impliquées, la responsabilité personnelle est perdue. La responsabilité d’une décision commune qui échoue est trop facilement rejetée sur les autres.

C’est un petit peu ce qui est arrivé à Robert Palmer. Cet homme d’affaires américain dans l’industrie informatique qui était le dernier président-directeur général de Digital Equipment Corporation a été engagé en 1992 pour redresser cette entreprise.

A son arrivée il a été un petit peu surpris par la manière dont les décisions été prises : « C’était une entreprise dirigée par un comité qui décidait par consensus. Personne ne prenait réellement de décision. Quand les choses allaient bien, il y avait un certain nombre de personnes prêtes à en prendre le mérite. Mais quand les choses allaient mal, il était impossible d’en attribuer la responsabilité à qui que ce soit »

Cette responsabilité dispersée s’est avérée trop lourde pour Palmer, et Digital Equipement a continué à péricliter en procédant à des licenciements massifs. Cette entreprise a fini par être vendue à Compaq Computer. Ce dernier fusionnant en 2002 avec Hewlett-Packard.

La formule traditionnelle pour résoudre ce problème est de s’assurer qu’un membre du groupe est désigné personnellement responsable d’une décision lorsque la responsabilité de celle-ci doit être retracée.

Pour les managers qui veulent maintenir l’intégrité de la responsabilité personnelle, la prise de décision en groupe n’existe pas ; il n’y a que la prise de décision assistée par le groupe.

Il existe trois situations dans lesquelles la responsabilité individuelle pour une décision est nécessaire :

– La décision aura un impact significatif sur le succès ou l’échec de l’organisation.
– La décision a des ramifications juridiques (telles que des poursuites éventuelles)
– Une récompense compétitive est liée à une décision réussie.

6.7.5. Avantages et inconvénients de la prise de décision assistée par le groupe

Diverses combinaisons de facteurs positifs et négatifs sont rencontrées lorsqu’un manager fait participer d’autres personnes au processus de décision. Les avantages et les inconvénients sont énumérés ci-après. Si un effort conscient est fait pour éviter ou du moins  minimiser les inconvénients, les managers peuvent tirer un grand profit du partage du processus de prise de décision avec leurs pairs.

Cependant, certains facteurs de contingence importants doivent être considération.

Parmi les avantages nous pouvons citer :

  1. Un plus grand réservoir de connaissances. Un groupe peut apporter beaucoup plus d’informations et d’expériences à une décision ou à un problème qu’un individu agissant seul.
  2. Des perspectives différentes. Les personnes ayant une expérience et des intérêts variés aident le groupe à voir les situations de décision et les problèmes sous des angles différents.
  3. Une meilleure compréhension. Les personnes qui font personnellement l’expérience des échanges au sein d’un groupe de discussion sur les différentes possibilités d’action ont tendance à comprendre le raisonnement qui sous-tend la décision finale.
  4. Acceptation accrue. Ceux qui jouent un rôle actif dans la prise de décision et la résolution de problèmes en groupe ont tendance à considérer le résultat comme « le nôtre » plutôt que « le leur ».
  5. Terrain d’entraînement. Les participants moins expérimentés à une action de groupe apprennent à faire face à la dynamique de groupe en étant réellement impliqués.

Parmi les inconvénients nous pouvons citer :

  1. Pression sociale. La réticence à  » faire des vagues  » et la pression pour se conformer peuvent se combiner pour étouffer la créativité des contributeurs individuels.
  2. Domination par une poignée de personnes. Parfois, la qualité de l’action du groupe est réduite lorsque le groupe cède à ceux qui parlent le plus fort et le plus longtemps.
  3. Le roulement de tambour. Les manigances politiques peuvent remplacer la pensée saine lorsque le projet favori d’un individu ou son intérêt personnel sont en jeu.
  4. Déplacement des objectifs. Parfois, des considérations secondaires telles que gagner un argument, faire valoir un point de vue ou se venger d’un rival supplantent la tâche principale qui consiste à prendre une décision judicieuse ou à résoudre un problème.
  5. « Pensée de groupe ». Parfois, les groupes laissent le désir d’unanimité l’emporter sur un jugement sain lorsqu’ils génèrent et évaluent des plans d’action alternatifs.

HISTOIRES A MÉDITER

DECISION, DILEMME ET COMPLEXITE

Un groupe d’enfants jouait près de deux voies ferrées, l’une toujours en service tandis que l’autre était désaffectée, abandonnée. Un seul enfant jouait sur la voie désaffectée, les autres sur la piste opérationnelle, toujours en service.

Le train arrive. Vous êtes juste à côté de l’échangeur. Qu’est-ce que vous faites ? Quelle décision prenez-vous ?

Vous pourriez faire en sorte que le train change de direction et aille vers la voie désaffectée et sauver la plupart des enfants. Cependant, cela signifierait également que l’enfant seul jouant près de la piste désaffectée serait sacrifié. Ou préférez-vous laisser le train continuer son chemin ?

Prenons une pause pour réfléchir au genre de décision que nous pourrions prendre…

La plupart des gens pourraient choisir de détourner le cours du train et de sacrifier un seul enfant. Vous pourriez penser la même chose. Sauver la plupart des enfants au détriment d’un seul enfant serait une décision rationnelle que la plupart des gens prendraient, moralement et émotionnellement.

Mais avez-vous déjà pensé que l’enfant choisissant de jouer sur la piste désaffectée avait en fait pris la bonne décision de jouer dans un endroit sûr ? Néanmoins, il a dû être sacrifié à cause de ses amis ignorants qui ont choisi de jouer là où était le danger.

Ce genre de dilemme se produit autour de nous tous les jours. Dans les entreprises, dans la communauté, en politique et dans les sociétés démocratiques, la minorité en particulier est souvent sacrifiée pour l’intérêt de la majorité, peu importe à quel point la majorité est stupide ou ignorante, et à quel point la minorité est clairvoyante et bien informée.

L’enfant qui a choisi de ne pas jouer avec les autres sur la piste opérationnelle sera mis à l’écart. Et dans le cas où il serait sacrifié, personne ne verserait des larmes pour lui.

Certains penseraient peut être qu’ils n’essaieraient pas de changer le cours du train (le laissant emprunter sa voie normale, la voie encore en service) car ils penseraient que les enfants qui jouaient sur cette voie toujours opérationnelle auraient dû très bien savoir que la voie était toujours utilisée et que de toute façon ils pourraient fuir s’ils entendaient les sirènes du train.

Si le train était détourné, cet enfant seul mourrait parce qu’il n’aurait jamais pensé que le train pourrait venir sur cette voie abandonnée.

De plus, cette piste n’était pas utilisée probablement parce qu’elle n’était pas sûre.

En effet, si le train était détourné vers la voie abandonnée (donc susceptible de comporter des risques), nous pourrions mettre en jeu la vie de tous les passagers à bord ! Et dans votre tentative de sauver quelques enfants en sacrifiant un seul, vous pourriez finir par sacrifier des centaines de personnes qui sont à l’intérieur du train, pour sauver ces quelques enfants.

Bien que nous soyons tous conscients que la vie est pleine de décisions difficiles à prendre, nous ne réalisons peut-être pas que les décisions hâtives ne sont pas toujours les bonnes. « N’oubliez pas que ce qui est bien n’est pas toujours populaire… et ce qui est populaire n’est pas toujours bien. »

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