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5.6. L'indispensable diagnostic stratégique

La gestion de l’avenir de l’entreprise devient plus exigeante en raison de l’évolution toujours plus rapide des marchés et des développements économiques et politiques généraux. Les tâches à court terme, les problèmes courants et l’abondance des activités opérationnelles relèguent très souvent les considérations à plus long terme au second plan pour les organes de contrôle, les entrepreneurs et la direction, même si elles font partie de leurs fonctions.

C’est pourquoi la gestion de l’avenir de l’entreprise – la gestion stratégique – doit être de plus en plus considérée comme une tâche essentielle pour le conseil d’administration, la direction, les entrepreneurs, les cadres et les employés clés. Le traitement des sujets stratégiques fait également partie d’une éducation et d’une formation holistique en gestion d’entreprise et en leadership.

Définir une orientation stratégique pour l’entreprise, dériver des objectifs stratégiques et les mettre en œuvre par une planification systématique sont des tâches entrepreneuriales complexes. Sur la base d’une approche structurée, qui relie les bons sujets et les bonnes questions pour la gestion stratégique et les élabore de manière holistique, la réflexion et l’action stratégiques deviennent plus faciles et plus fructueuses pour vous, en tant que responsable.

Dans le cadre de la gestion stratégique, une analyse stratégique est effectuée comme base pour le développement de la stratégie. Le diagnostic de la situation actuelle est au cœur de tout processus de planification stratégique car il procure toutes informations préalables à une formulation réussie de la stratégie.

Cela comprend l’analyse de votre propre entreprise (analyse interne) ainsi que l’environnement du marché externe (analyse externe). Sur la base des résultats de l’analyse stratégique, le développement de la stratégie et la formulation de la stratégie sont ensuite mis en place.

Le diagnostic est composé de deux parties d’égale importance :

  • Le diagnostic externe qui a trait à l’analyse de l’environnement
  • Le diagnostic interne qui a trait à l’analyse de l’entreprise

Tandis que le diagnostic externe garde un œil sur la concurrence et l’environnement du marché, le diagnostic interne analyse votre propre entreprise.

PAROLES D’EXPERT

La démarche stratégique et le diagnostic d’entreprise ont comme objet la recherche des caractéristiques essentielles au développement de l’entreprise et à son accompagnement, en fonction des ressources à disposition et des contraintes de l’environnement.

L’objectif final est d’évaluer les aptitudes de l’entreprise à satisfaire les contraintes de compétitivité et de pérennité, en vue de décider dans des conditions acceptables.

Ce type d’approche permet notamment de faire apparaître les insuffisances et dérives de l’organisation (problème d.e positionnement, alliance avec un partenaire peu compatible, prix de revient trop élevés, politique de gamme inadaptée, qualité des produits en dessous du standard requis) et les ressources stratégiques qui peuvent contribuer à l’amélioration de la compétitivité (nouvelles voies de développement, renforcement des normes de qualité et de sécurité, abaissement des coûts de revient, amélioration des services autour du produit, intensification de l’innovation … ).

Olivier meier. « Diagnostic stratégique. Evaluer la compétitivité de l’entreprise » 4e Ed. Dunod

5.6.1. Le diagnostic externe

Le diagnostic externe consiste à analyser l’environnement externe de l’entreprise pour vérifier d’éventuels signes de menaces pour l’activité actuelle et/ou de nouvelles opportunités et possibilités.

Cet environnement externe est composé :

  • D’une part d’un macro-environnement (environnement politique, économique, socio-culturel, technologique, écologique et légal). L’outil le plus usité pour apprécier le macro-environnement est l’analyse PESTEL.
  • D’autre part d’un micro environnement (clients, entreprises concurrentes, fournisseurs et circuits de distribution). Les éléments récoltés de ces deux types d’environnement vont permettre d’identifier les facteurs clés pour le développement de l’entreprise.

PAROLES DE FEMMES

« La nature de l’environnement commercial mondial garantit que, quels que soient nos efforts pour créer une organisation stable et saine, notre organisation continuera à connaître des changements spectaculaires bien au-delà de notre contrôle. »

Margaret J.Wheatley, écrivaine américaine, enseignante, conférencière et consultante en gestion

Parmi les outils les plus indiqués pour analyser le micro-environnement de l’entreprise, figure en bonne place les 5 forces de Porter (Intensité concurrentielle, nouveaux entrants sur le marché, pouvoir de négociation des clients, pouvoirs de négociation des fournisseurs et produits de substitution). Cet outil auquel il a été ajouté l’influence de l’Etat est dénommé aujourd’hui 5 + 1.

5.6.2. Le diagnostic interne

Quant au diagnostic interne, pendant de l’analyse environnementale, il concerne l’analyse de l’entreprise, de ses ressources et compétences. Il a pour principal objectif la définition du potentiel stratégique de l’entreprise, en d’autres termes ses forces, ses atouts sur lesquels elle pourra s’appuyer pour établir les bases de ses orientations stratégiques.

L’entreprise peut aussi présenter des faiblesses, des éléments particuliers qu’elle ne peut pas intégrer pour définir ses axes stratégiques et de travail.

Le but de cette étape est de montrer clairement les avantages concurrentiels, sur lesquels des scénarios de développement d’entreprise peuvent alors se baser.

Le Diagnostic interne qui concerne dont l’entreprise va donc porter sur :

  • Ses ressources
  • Ses compétences

Les ressources peuvent être  matérielles (équipements, bâtiments, terrains, machines), immatérielles (brevets, licences, image de marque), financières (Résultats, fonds de roulement, capacité de financement, capitaux propres) ou encore humaines (savoir-faire, compétences de l’encadrement et des équipes, connaissance des produits et des clients).

La chaine de valeurs de Porter

En 1985,  Michael E. Porter a développé un concept pour l’analyse complète des activités de l’entreprise : la chaîne de valeur.

La chaîne de valeur est un concept de gestion qui représente le processus de création de biens et les activités successives de l’entreprise. Selon son créateur, la chaîne de valeur représente un « ensemble d’activités à travers lesquelles un produit est conçu, fabriqué, vendu, livré et promu ».

Selon lui, cinq activités principales décrivent le processus réel de création de valeur : la logistique interne, la production, la logistique externe, le marketing/ventes/et le service. Il existe également quatre activités de soutien qui complètent le processus de création de valeur : l’infrastructure de l’entreprise, la gestion des ressources humaines, le développement technologique et l’approvisionnement. 

 » Le raisonneur idéal, une fois qu’on lui aurait montré un seul fait dans tous ses aspects, en déduirait non seulement toute la chaîne des événements qui l’ont conduit, mais aussi tous les résultats qui en découleraient. »

Sherlock Holmes, détective / Sir Arthur Conan Doyle, auteur

La division en maillons de la chaîne facilite la  réalisation d’analyses sur l’ensemble de l’entreprise. De cette manière, des domaines individuels de l’entreprise peuvent être comparés aux performances de la concurrence et les performances globales peuvent être affichées. La chaîne de valeur est créée dans le but d’  augmenter l’efficacité des processus et, en principe, la compétitivité des entreprises.

Chaque activité de l’entreprise représente une démarche de différenciation et contribue à la position relative de l’entreprise par rapport à la concurrence.

Le modèle VRIO

Le modèle VRIO (formalisé en 1995 par le professeur américain Jay Barney) est un outil stratégique conçu pour aider les organisations à découvrir et à protéger les ressources et les capacités qui leur confèrent un avantage concurrentiel à long terme. 

Précisons ici qu’il ne s’agit pas simplement d’une liste de vos points forts , qui sont des choses que vous faites bien mais qui ne sont pas nécessairement propres et uniques à votre organisation. On ne parle pas non plus d’avantages éphémères susceptibles de ne plus être viables au moindre changement de l’environnement. Les avantages concurrentiels durables sont ceux que les concurrents ne peuvent pas facilement reproduire dans un avenir prévisible ; ils sont également un élément crucial de la réussite d’une entreprise.

5.6.3. Le diagnostic croisé Interne/Externe

Une fois élaborés, les diagnostic interne et externe doivent être rapprochés, croisés, confrontés en vue de l’élaboration de stratégies viables, réalistes et crédibles.

Parmi les outils qui permettent de confronter ces diagnostic interne et externe de l’entreprise, on peut citer essentiellement l’analyse SWOT

L’analyse SWOT

 Une analyse SWOT (Strengths  pour forces, Weaknesses pour faiblesses, Opportunities pour opportunités et Threats pour menaces) va combiner les diagnostics interne et externe pour donner une vue d’ensemble et visualiser l’environnement global dans lequel se situe l’entreprise.

Important

Il est bien entendu impensable de mener d’un trait un diagnostic sur la totalité d’une entreprise intervenant dans plusieurs secteurs d’activités différents, des marchés différents, des clients différents, des règlementations différentes. Ce serait un non-sens en raison de l’impossibilité d’adopter une orientation stratégique unique pour de nombreux secteurs d’activité. Il va donc s’agir de diagnostiquer un seul domaine stratégique à la fois. (DAS). Pour ce faire il va falloir procéder à une segmentation stratégique. S’agissant d’une PME exerçant une seule activité, on peut faire son diagnostic global sans qu’il n’y ait aucune segmentation à faire.

PAROLES D’EXPERT

…Si l’organisation considérée est active dans plusieurs domaines d’activités stratégiques et/ou structurée en plusieurs unités d’activités stratégiques, il peut s’avérer nécessaire, et même souhaitable, de procéder aux analyses de manière spécifique pour chacun des domaines, respectivement chacune des unités.

La tâche est vaste, rude et pavée d’écueils. La paralysie par l’analyse, les dangers de l’expertise ou encore les pièges de la construction de la réalité guettent.

Le diagnostic stratégique s’attache en priorité à la construction d’une vue d’ensemble et doit éviter de se noyer dans le détail.

Il doit prendre de la hauteur pour faire apparaître la vue d’ensemble, la fameuse big picture. Et se garder de multiplier les analyses de détail qui finissent par paralyser l’ensemble de la démarche. Le diagnostic doit en conséquence se limiter aux points clés pour dégager une représentation synthétique permettant de mettre en évidence les enjeux et défis de nature stratégique, i.e. essentiels pour la pérennité et le développement de l’organisation.

Les dangers de l’expertise font quant à eux référence au fait qu’une personne experte dans un domaine a forcément tendance à chercher une solution dans son domaine de compétence, et à interpréter les faits de manière à les rendre compatibles avec son expérience. Ceci quel que soit le problème de base ! Ou pour reprendre un proverbe africain : quand on a un marteau dans la tête, on voit tous les problèmes en forme de clou !

Il en est ainsi des cadres, mais surtout des consultants, qui s’appuient de préférence sur leur formation et leur expérience. Pour éviter ce piège, il convient de choisir les membres de l’équipe de projet en prenant soin d’avoir des backgrounds et des perspectives différenciés.

Enfin, les analyses doivent être conduite sans a priori ni idée préconçue, et basées sur la réalité des faits, même si vous êtes bien conscients que toute réalité n’est que construction. D’où l’importance d’être capable de vous distancier de votre propre point de vue, de prendre du recul par rapport à la perspective habituelle au travers de laquelle vous observez votre réalité.

Ces analyses doivent impérativement aller au-delà de la surface pour toucher au fond des choses. Et ne pas se laisser tromper par quelques informations faciles à obtenir, spectaculaires, inattendues ou extraordinaires (au sens étymologique), qui masquent des éléments moins saillants mais plus significatifs, et qui obscurcissent le raisonnement.

Gilles A. Léchot. « STRATÉGIE et CONDUITE DU CHANGEMENT » Ed. MAXIMA

5.6.4. Qu’est-ce que la segmentation stratégique ?

Les grandes entreprises ont souvent des situations complexes, avec plusieurs activités différentes et de nombreux domaines stratégiques (DAS). Une organisation ou une entreprise peuvent ainsi intervenir sur un ou plusieurs marchés ou secteurs d’activité.

Or, la plupart des industries ou activités comprennent des zones avec des niveaux très différents de turbulence environnementale, et une réponse moyenne (qui tienne compte en même temps de toutes les industries ou secteurs) formulée pour un domaine d’activité donné ne sera probablement pas adéquate pour aucune des autres activités.

On comprend alors l’importance pour une organisation de savoir de combien de DAS elle dispose et comment elle peut délimiter clairement leur périmètre. Cet exercice représente une étape déterminante car il est le préalable indispensable à toute allocation de ressources.

Et c’est pour cela qu’on a recours à la segmentation stratégique.

Segmenter c’est découper une préoccupation complexe en plusieurs interrogations plus faciles à résoudre. La segmentation stratégique est un processus qui peut être utilisé pour diviser l’environnement futur en zones distinctes avec des perspectives de croissance, de rentabilité et de risque (turbulences) différentes, et des facteurs de réussite différents. Elle fournit une approche centrée sur l’environnement, de l’extérieur vers l’intérieur, pour identifier les zones qui doivent être gérées différemment.

Ce processus aboutit généralement à un certain nombre de domaines d’activité stratégiques (DAS).

Un domaine d’activité stratégique (DAS) est un marché ou une partie de marché sur lequel une entreprise opère et dont le cadre particulier ou la situation concurrentielle diffère des autres marchés, de telle sorte que ce marché nécessite un traitement stratégique indépendant.

La nécessité de diviser une entreprise en domaines d’activités stratégiques est dicté par la nécessité de réduire la complexité de la planification et du contrôle et d’adapter la stratégie à chaque secteur d’activité.

Remarque : La segmentation traditionnelle du marché (ou segmentation marketing) n’est en aucun cas à assimiler à la segmentation stratégique. Ses deux types de segmentations diffèrent autant par leurs caractéristiques que par les objectifs qu’elles se fixent.

La segmentation stratégique consiste en une segmentation de l’entreprise en domaines d’activité stratégique (DAS). C’est une segmentation de l’offre. Elle vise à diviser ces métiers en groupes homogènes qui disposent des mêmes facteurs clés de succès et environnement. La segmentation stratégique qui a une portée à moyen et long terme va permettre une analyse fine de chaque secteur d’activité, d’identifier des opportunités de diversification, de développement ou d’abandon d’activités peu rentables.

La segmentation marketing se rapporte au marché (clients et utilisateurs). Elle suit la segmentation stratégique et concerne une segmentation de la clientèle (couple Produit-Client). C’est une segmentation de la demande.

La stratégie marketing qui a une portée à court et moyen terme concerne un métier ou un secteur d’activité de l’entreprise et a pour objectif de diviser les clients en groupes caractérisés par les mêmes besoins ou comportements d’achat pour leur proposer une offre adaptée, de sélectionner des cibles et d’affiner le mix-marketing. En effet, les besoins des groupes de clients sont si divers qu’ils nécessitent des stratégies marketing différentes.

Nous allons dans ce qui suit, développer la manière de faire ces deux diagnostics, externe et interne.

HISTOIRES A MÉDITER

DROLE DE DIAGNOSTIC

« Nacereddine, qui veut connaître tous les secteurs de l’activité humaine, cherche à s’initier à la médecine. Il va trouver un de ses amis, un professionnel de la question, auquel il demande s’il peut l’accompagner lors de sa prochaine visite chez des patients. Le médecin accepte volontiers de se faire accompagner par Nacereddine.

Le patient qui avait demandé qu’on lui ramène un médecin était un homme qui souffrait de maux de ventre. « Ce n’est rien, le rassure le médecin presque aussitôt : Tu as mangé trop de cerises, et cela t’a donné la colique. Observe la diète, et dans deux jours il n’y paraîtra plus. »

Nacereddine en resta tout ébahi : quelle rapidité, quelle sûreté dans le diagnostic !

« Est-ce donc Allah Lui-même qui t’insuffle Sa science » ? demanda-t-il à son ami.

Pas du tout, répond le médecin. C’était un cas très facile. Dès que je suis entré, j’ai vu qu’il y avait sous le lit un véritable tas de noyaux de cerises. Il n’y avait qu’à se fonder sur l’évidence !

Nacereddine se dit au fond de lui-même, que dans ces conditions, il peut bien exercer lui aussi la médecine.

Il entre chez son premier malade, et constate qu’il n’y a rien sous le lit.

« Ce n’est pas grave, en conclut-il, tu as une colique. Mais à l’avenir, évite de manger tes babouches. »

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