6.2. Introduction à la prise de décision
Un facteur décisif essentiel pour tous les dirigeants et le top-management est la façon dont ils prennent leurs décisions, Toute organisation se développe, prospère ou échoue en fonction des décisions prises par ses dirigeants. Les personnes qui n’ont pas cette compétence singulière ne sont tout simplement pas adaptées aux rôles de leadership dans cette compétition acharnée du monde complexe d’aujourd’hui.
Dans la vie de tous les jours, les décisions sont prises par des personnes physiques appelées décideurs. Nous prenons tous des décisions presque tous les jours, que ce soit à petite échelle en prenant des décisions pour nous-mêmes (que vais-je porter aujourd’hui ?) ou pour des organisations (entreprises, autorités (quelle stratégie adopter ?). La façon dont nous décidons a un impact durable sur nos vies dans tous les domaines.
Chinois ou italien ? Noir ou blanc ? Beurre ou margarine ? Yaourt ou dessert ? Chemise ou tee-shirt ? Plage ou montage ? Nous gardons jalousement notre droit de choisir. La liberté de choix est une composante centrale de notre individualité, c’est la quintessence du libre arbitre. On estime qu’une personne prend jusqu’à 20.000 décisions chaque jour.
D’autres parlent plutôt de 35.000. Un énorme exploit ! C’est un nombre impressionnant à maîtriser pour notre cerveau. Chaque personne est, en ce sens, un expert en matière de « prise de décisions ».
Ainsi, si vous dormez 8 heures par jour, vous avez 16 heures pour prendre toutes ces décisions. Cela signifie une toutes les 3 secondes. Si vous deviez prendre toutes ces décisions de manière consciente et réfléchie, en pesant entre les alternatives et les conséquences, votre cerveau serait en état d’urgence.
Mais prendre des décisions n’est pas toujours facile, parfois même très difficile, voire parfois presque impossible. Qu’est-ce qui rend la situation si difficile ? Souvent, on ne peut pas dire immédiatement ce qui est une bonne ou une mauvaise décision. Alors on hésite, on se rend la vie difficile.
Stoner, Freeman & Gilbert, considèrent à travers leur ouvrage « Management » que « La prise de décision est le processus d’identification pour faire face à un problème spécifique ou profiter d’une opportunité. »
Lors de la prise de décisions importantes, peser les différentes options est souvent un défi. De mauvaises décisions peuvent entraîner des conséquences, ce qui nous oblige à vivre avec elles pendant longtemps, tandis que de meilleurs décideurs peuvent modifier les conséquences pour le plus grand bien. Surtout sous la pression du temps.
On observe que beaucoup se sentent immédiatement mal à l’aise lorsqu’ils sont sous pression pour prendre des décisions, qu’il s’agisse d’une entreprise, d’une organisation ou d’un particulier.
Beaucoup se sentent dépassés lors de la prise de décision, ils doutent d’eux-mêmes et ont peur de la justesse de leurs évaluations. Tout le monde semble avoir de plus en plus de mal à prendre des décisions. Cela entraîne non seulement du stress, mais aussi des coûts de suivi élevés.
PAROLES DE FEMMES
« Lorsque vous choisissez une action, vous choisissez les conséquences de cette action. Lorsque vous désirez une conséquence, vous feriez mieux de prendre l’action qui la créerait. »
Lois McMaster Bujold. Auteure de fiction spéculative américaine
Le chemin vers une prise de décision efficace semble jalonné de difficultés. L’ensemble du processus de prise de décision dépend de la bonne information disponible pour la bonne personne au bon moment.
Dans la vie de tous les jours, les situations de prise de décision apparaissent très souvent à notre insu. Elles peuvent avoir lieu spontanément ou émotionnellement, de manière aléatoire ou rationnelle. Une décision rationnellement justifiée est basée sur des objectifs préalablement définis ou des normes de valeur existantes.
Le conducteur d’une voiture doit décider s’il doit continuer tout droit ou tourner à droite. La sélection de l’une de ces deux alternatives d’action dépend bien entendu de la destination, de sorte que même avec cette simple décision, l’objectif est important pour la sélection de la bonne alternative d’action.
Si ce conducteur doit prendre une décision rapidement, au pied levé, sinon, il risque de se retrouver ailleurs, un juge qui doit prononcer sa sentence, son verdict lors d’une longue audience devant le tribunal, serait bien avisé de ne pas se prononcer immédiatement et de prendre son temps.
Une décision peut souvent être reportée jusqu’au dernier moment, avec la possibilité qu’entre-temps de nouvelles informations viennent aider le juger à se faire une idée précise de la situation et de se prononcer en connaissance de cause. L’information, sa quantité et sa qualité sont essentielles pour prendre les bonnes décisions.
D’aucuns considèrent que les décisions peuvent être entraînées comme un muscle. Et c’est un grand avantage compte tenu des défis toujours plus importants dans le contexte mondial social et commercial.
6.2.1. Qu’est-ce que la prise de décision ?
Une décision est un choix conscient ou inconscient qui consiste à choisir rationnellement (ou pas) parmi différentes possibilités, un choix entre des alternatives ou entre plusieurs variantes différentes par un ou plusieurs décideurs dans le cadre d’une mise en œuvre immédiate ou future.
Il s’agit de tout processus qui amène une ou plusieurs personnes à accepter de préférer une ou plusieurs options à d’autres en fonction des préférences spécifiques d’un ou plusieurs décideurs.
Aux niveaux personnel et institutionnel ce processus comprend la définition d’objectifs, la collecte d’informations pertinentes, l’identification d’alternatives, l’élaboration de critères de décision et le choix de la meilleure option.
La façon dont les décisions sont prises au sein d’une organisation est influencée par la personnalité du décideur, de la culture et la structure de l’entreprise.
La prise de décision découle de la nécessité de résoudre un problème ou de répondre à une menace ou à une opportunité. Dans la vie de tous les jours, les décisions sont prises par des personnes physiques appelées décideurs.
Les décideurs peuvent prendre des décisions pour eux-mêmes (par exemple, quelqu’un doit acheter une voiture) ou pour des organisations (entreprises, institutions, associations).
Dans ce dernier cas, les managers prennent des décisions qui fonctionnent pour leur organisation dans le cadre de leur compétence de leadership et les autres employés dans le cadre de leur compétence de mise en œuvre.
Parce que la plupart des décisions concernent des événements prospectifs et donc l’avenir et des choses qui ne se sont pas encore produites, les décisions sont toujours associées à des incertitudes.
« Sur une décision importante, on a rarement 100% des informations nécessaires pour une bonne décision, peu importe combien on dépense ou combien de temps on attend. Et si quelqu’un attend trop longtemps, il va surgir un problème différent et doit tout recommencer. C’est le terrible dilemme du décideur hésitant. »
Robert K. Greenleaf, chercheur et auteur américain, fondateur du mouvement moderne de « leadership des serviteurs ».
La vie privée comme la vie professionnelle nous présente constamment, et pas toujours intentionnellement, une multitude d’options sur lesquelles il faut se prononcer. (Pour et contre). La vie, c’est prendre encore et encore des décisions.
Professionnellement on est interpellés en permanence : pour ou contre la création d’un partenariat, pour ou contre tel investissement, pour ou contre un modèle de travail, des horaires ou des agencements de bureau. La décision est prise lorsqu’une alternative a été trouvée et qui, compte tenu de la réalisation d’un objectif, représente la meilleure des alternatives possibles.
Déjà, au XVIe siècle, Ignace de Loyola, un prêtre et théologien basque-espagnol, auteur des « Exercices spirituels » et cofondateur de l’ordre des Jésuites, cherchait un moyen d’équilibrer l’émotion et la raison dans la prise de décision. Il a développé une approche « très personnelle » pour trouver la bonne réponse pour chaque décision en une semaine !
Il a conseillé à ses coreligionnaires d’agir pendant trois jours comme s’ils avaient déjà pris leur décision. Ils devaient se mettre en situation, en considérant que ladite décision a été déjà prise et donc agir en conséquence. Pendant ce temps, ses propres sentiments, pensées et rêves, qui sont dans le contexte de la décision, doivent être méticuleusement notés.
Le quatrième jour, le même processus doit être répété pendant les trois jours suivants. Mais cette fois avec une deuxième décision (une alternative à la première). Là aussi des notes seront prises de façon rigoureuse.
Au final, le septième jour, les notes doivent être placées côte à côte et les différentes alternatives comparées avec la tête froide. Ce n’est qu’alors, selon Loyola, qu’une décision finale pourra être prise.
Si la pression du temps s’ajoute à la pression pour prendre une décision, la question de prendre la bonne décision devient encore plus importante. Elle peut devenir un fardeau. Il est donc utile de connaître les processus mentaux et les schémas qui se déroulent en nous, les humains, lors de la prise de décisions.
Ce pouvoir de décision a été expressément transféré aux décideurs par voie de délégation. Les ordinateurs ne décident pas par eux-mêmes, mais uniquement sur la base de programmes informatiques créés par des personnes.
Les décisions sont difficiles, surtout dans des situations complexes – tant dans un contexte professionnel que privé. Peser des lignes de conduite alternatives, par exemple avec des listes pour/contre ou des procédures compliquées, a tendance à avoir un effet négatif et nous tombons dans la procrastination et paralysons les décisions. Cela entraîne du stress et des coûts de suivi, qui peuvent cependant être évités avec une méthodologie de prise de décision.
6.2.2. Qui décide ? La tête ou le cœur ?
Nous ne prenons pas la majorité de nos décisions de manière cognitive et consciente (avec notre tête), mais plutôt automatiquement, inconsciemment, intuitivement (avec notre instinct ou nos émotions).
Les experts distinguent en réalité deux types de décisions : les décisions intuitives et les décisions réfléchies ou conscientes.
6.2.2.1. Les décisions intuitives.
Des situations de prise de décision apparaissent très souvent dans la vie de tous les jours sans en avoir conscience. Il s’agit souvent des nombreuses petites décisions de routine que l’on prend inconsciemment chaque jour : Que vais-je porter aujourd’hui ? Que vais-je manger aujourd’hui ? Je vais rentrer chez moi une heure plus tôt aujourd’hui.
Ces petites décisions d’aller se coucher le soir, de prendre un jus d’orange au petit déjeuner ou sortir la voiture du garage, nous les prenons de manière intuitive, rapide et sûre. Des études montrent que 99,74% de nos décisions sont prises de manière intuitive, à l’insu de notre plein gré.
Les décisions, intuitives, automatisées, dénommées aussi irrationnelles ont cette propriété importante de se produire de manière complètement inconsciente, de sorte que nous ne remarquons même pas souvent que nous prenons une décision (ou que nous venons d’en prendre une).
L’intuition aide à rester capable d’agir dans des moments caractérisés par une grande complexité comme elle donne un aperçu des possibilités et des potentiels futurs qui ne sont pas encore évidents.
Souvent ces décisions dites irrationnelles ou intuitives ne sont pas nécessairement compréhensibles. Plus les décisions sont automatisées, plus les structures économes en énergie fonctionnent au plus profond du cerveau. Ces noyaux gris centraux fonctionnent de manière totalement inconsciente et prennent plus de 99 % de nos décisions quotidiennes.
Souvent aussi, la structure de décision est même assez inconnue ou inconsciente pour la personne qui prend la décision. Ce sont des décisions très subjectives, où l’on passe immédiatement à l’action.
Le processus est structuré comme suit :
Action spontanée –> Analyse –> Planification –> Action.
La plupart du temps, la décision ne peut être expliquée rétrospectivement. Elle est surtout « ressentie ». Cela commence par une action impulsive (action spontanée) qui produit des résultats qui sont ensuite soumis à un examen plus approfondi ou qui rendent cela possible en premier lieu (analyse). Des expériences ont montré que dans l’ensemble, l’intuition permet de s’orienter dans des domaines incertains et inconnus.
Ainsi, les humains peuvent se fier à leur intuition, qui stocke davantage d’informations et peut être utilisée pour travailler en réseau plusieurs fois plus vite que l’esprit. On a presque l’impression que l’intuition est sur le point de remplacer la logique et la rationalité, longtemps considérées comme inébranlables et inaccessibles, comme solution idéale.
Les études montrent que plus notre expérience dans un domaine est grande, plus nous sommes susceptibles de suivre notre intuition.
« Chez moi, je suis le patron, ma femme est juste le décideur. »
Woody Allen
6.2.2.2. Les décisions réfléchies ou conscientes
Il y a une deuxième catégorie de décisions, les décisions rationnelles qui entraînent des changements durables, comme le choix d‘une filière d’étude, le changement d’un emploi ou le choix d’un partenaire pour la vie. Pendant longtemps, l’économie en particulier a été dominée par des modèles décisionnels rationnels.
Ce sont des décisions « mentales » basées sur la logique. Elles sont prises consciemment et après mûre réflexion. Les données, les faits et les chiffres sont des arguments importants pour les gens de tête. L’homo oeconomicus sait tout, peut tout faire. Il prend ses décisions sur la base de considérations et en les adossant à des calculs purement rationnels. Il se comporte toujours rationnellement en essayant de minimiser les inputs et/ou de maximiser les rendements.
Les décisions dites rationnelles sont caractérisées par une structure compréhensible. En principe, quelqu’un d’autre pourrait parvenir à la même conclusion avec les mêmes informations. La prise de décision rationnelle repose sur l’analyse, la planification et l’action.
Dans ce type de décision, la peur est souvent impliquée. Prendre une décision finale peut nous bloquer et nous occuper pendant des jours, voire des semaines. Après tout, nous voulons prendre « la bonne décision ». Prendre des décisions n’est parfois pas si facile. Selon les études actuelles, il nous est encore plus difficile de prendre une décision rapide et consciencieuse sur quelque chose. Dans notre cerveau, ces décisions conscientes nécessitent nécessairement la contribution du cortex cérébral.
Nous pouvons nous prononcer sur des futilités et des banalités, mais lorsqu’il s’agit de décisions importantes, il nous est difficile de prendre la « bonne » décision et d’avancer avec détermination. Il y a trop d’options, trop d’incertitudes quant aux conséquences et parfois trop de personnes qui veulent nous donner des conseils. Alors, que faire ?
Ne pas décider nous est interdit. Etre indécis nous est tout aussi interdit. Après tout, il ne faudrait pas qu’on finisse comme l’âne de Buridan. Cet âne qui se trouvant devant une botte de foin et un sceau d’eau (certaines versions parlent de deux bottes de foin) et à égale distance de l’une et de l’autre et ayant autant faim que soif n’arrivait pas à se décider. Il se mit à hésiter s’il fallait d’abord manger puis ensuite boire ou alors devait-il faire l’inverse, d’abord étancher sa soif puis ensuite manger. Il resta longtemps à réfléchir sur ce dilemme. Il n’arrivait pas à se décider. Il resta si longtemps dans cette indécision qu’il mourut sur place. L’histoire ne raconte pas s’il est mort de faim ou de soif.
Un bémol pour dire qu’ils sont nombreux ceux qui pensent que ne pas décider est aussi une décision. Tous ceux qui ont pris une décision n’ont pas le sentiment d’avoir tranché le nœud gordien, c’est-à-dire d’avoir été libérés.
Après tout, les décisions difficiles s’accompagnent toujours de questions plus larges : Comment le dire aux autres ? Ma décision sera-t-elle acceptée ? Vais-je peut-être me heurter à un refus avec cette démarche ?
D’un autre côté, ne pas prendre de décision est stressant à long terme pour la plupart des gens. Rester assis comme un lapin devant un serpent conduit à la paralysie, et le processus de décision absorbe beaucoup d’énergie qui qui fait défaut ailleurs.
Il est donc logique de lever les blocages dans un processus décisionnel significatif. Cela est possible en réfléchissant à sa propre situation et en faisant un pas actif et nécessaire vers la clarté. Mais il faut du courage pour affronter un sujet dans toutes ses conséquences et sortir de sa zone de confort.
Il existe de nombreuses façons d’y parvenir, qu’il s’agisse de se retirer dans le silence, de parler à de bons amis ou collègues, ou de techniques telles que les cartes mentales et les matrices de décision.
Dans tous les cas, un processus décisionnel judicieusement structuré permet de réduire la complexité d’une question et, en même temps, de rendre compréhensibles les différentes alternatives.
D’ailleurs, il n’y a pas que le noir et le blanc. Parfois, un compromis est la bonne solution. Et même si l’on se sent littéralement incapable de prendre une décision comme l’âne de Buridan et que cela semble sans espoir pour le moment, les décisions qui nous font désespérer peuvent être des portes ouvertes sur des possibilités insoupçonnées. C’est pourquoi il est utile d’examiner de plus près le processus de prise de décision. Cela nous permet de sortir plus facilement du désespoir de la prise de décision !
Ces décisions réfléchies sont-elles plus efficaces que celles prises de façon intuitive ? Pas sûr. Souvent, oui, mais pas nécessairement. De nombreuses études sur le « pouvoir de l’intuition » le montrent : les décisions instinctives ne sont pas pires que celles de l’intellect, mais elles sont infiniment plus rapides.
La psychologue de l’Université de Chicago Sian Leah Beilock qui a étudié les facteurs du cerveau et du corps qui influencent la performance dans des situations stressantes tels que les tests, les examens, la prise de parole en public, en passant par les événements sportifs a observé que les golfeurs expérimentés accèdent à de meilleures performances lorsqu’ils jouent à l’instinct.
HISTOIRES A MÉDITER
CONVICTION OU OPPORTUNITÉ ?
Daniel Chwolson, est un orientaliste russe, né de parents juifs pauvres et pieux à Vilna. En 1841, il se rendit à Wrocław (Breslau en allemand), quatrième ville de Pologne où il rencontra Abraham Geiger, théologien juif allemand, auteur et leader exceptionnel du développement précoce de « Judaïsme réformé » et se lia d’amitié avec lui et l’aida à se préparer à l’inscription à l’université. Plus tard, il retourna en Russie et s’installa à Saint-Pétersbourg.
En 1855, Chwolson est devenu un converti de l’Église orthodoxe russe.
A la question de savoir si sa décision d’adhérer à l’Église orthodoxe avait été prise par conviction ou par opportunité, Chwolson a répondu : « J’ai accepté le baptême entièrement par conviction, la conviction qu’il vaut mieux être professeur à l’Académie de Saint-Pétersbourg qu’enseignant dans une petite école de Vilna.