L’organisation est tout : Avec cette devise, non seulement les individus vont loin, mais surtout les entreprises. Choisir la meilleure structure organisationnelle pour votre entreprise, votre service ou votre équipe est fondamental car la structure organisationnelle constitue la pierre angulaire de toute entreprise et peut faire la différence entre le succès et l’échec.
Ce qui vous attend dans cet article :
- 1. Introduction
- 2. Les facteurs internes
- 2.1. La technologie
- 2.1.1. Les travaux de Woodward
- 2.1.2. Les travaux de Perrow
- 2.1.3. Les travaux de Thompson
- 2.2. La taille
- 2.3. La stratégie
- 3. Les facteurs externes
- 3.1. L'environnement
- 3.1.1. La typologie d’Emery et Trist
- 3.1.2. La typologie de Duncan
- 3.1.3. Les travaux de Burns et Stalker
- 3.1.4. Les travaux de Lawrence et Lorsch
- 3.2. La culture nationale
1. Introduction
La structure organisationnelle définit la manière dont les processus de travail et les employés sont organisés au sein d’une entreprise. C’est un système qui détermine comment l’entreprise travaille pour atteindre ses objectifs. Toutes les entreprises ne fonctionnent pas de manière optimale avec une structure organisationnelle hiérarchique. Il existe de nombreux types d’organigrammes car il existe de nombreux types de structures organisationnelles.
Si vous ne choisissez pas soigneusement la structure de votre entreprise, c’est elle qui vous choisira. Faire le bon choix de structure n’est pas une sinécure. Ensuite peut-on envisager une structure idéale : un best way ?
« Chaque entreprise a deux structures organisationnelles : la structure formelle est inscrite sur les organigrammes ; l’autre est la relation quotidienne des hommes et des femmes de l’organisation. »
Harold Geneen
Les concepts fondamentaux présentés dans les sections 7.5. Typologies des structures classiques des organisations et 7.6. Les nouvelles structures d’organisation pourraient laisser croire que l’analyse des organisations est avant tout un exercice théorique, qui revient à optimiser l’équilibre dynamique entre les choix de spécialisation et de coordination, indépendamment du contexte.
Dès la fin des années 50, ce point de vue abstrait s’est heurté à une série de recherches pratiques qui ont souligné l’impact déterminant de la situation réelle et des caractéristiques intrinsèques de l’organisation. Puisqu’il prône que les choix structurels sont contingents au contexte dans lequel se trouve l’organisation, ce mouvement a été appelé l’école de la contingence structurelle.
Cette série de travaux, qui s’est essentiellement développée dans les années 60 et 70, se caractérise avant tout par sa rupture avec les courants de pensée normatifs classiques qui prônent qu’il existerait une forme structurelle meilleure dans tous les cas, le fameux one best way (« meilleure manière de faire ») recherché par les tayloriens. En opposition avec ce point de vue, l’école de la contingence structurelle se caractérise par deux postulats fondamentaux :
1. Il n’y a pas de structure d’organisation idéale, mais autant de « best ways » qu’il existe de contextes différents. La recherche en organisation doit donc passer de la définition d’une structure idéale à celle d’une série de solutions adaptées à des situations spécifiques.
2. La performance d’une organisation dépend de la capacité d’adaptation de sa structure aux évolutions des contraintes contextuelles, qui sont tant internes qu’externes à l’organisation elle-même. Ces déterminants, contextes ou facteurs de contingence de l’organisation sont multiples. Il s’agit soit de la taille ou de \‘âge de l’organisation de la technologie ou de ses systèmes techniques, de la stratégie adoptée, des caractéristiques de l’environnement dans lequel elle évolue, ou encore de la culture nationale dans laquelle elle s’inscrit.
Les auteurs de ce courant de pensée ont diversement mis l’accent sur l’un ou l’autre de ces facteurs de contingence. Il convient cependant de souligner que les travaux les plus récents s’inscrivent plutôt dans une démarche de synthèse qui englobe tous ces facteurs.
« Les structures organisationnelles d’aujourd’hui exigent trop de quelques-uns, et pas grand-chose de tous les autres. »
Gary Hamel
L’ensemble des contributions de l’école de la contingence structurelle peut être classé selon qu’ils privilégient les facteurs de contingence internes à l’organisation (technologie, taille, stratégie) ou les facteurs de contingence externes (environnement, culture nationale) c’est-à-dire ceux qui relèvent de l’environnement. Nous distinguerons successivement les uns puis les autres.
2. Les facteurs internes
Les principaux facteurs internes que les théoriciens de la contingence ont mis en avant comme déterminants des arrangements et choix organisationnels sont la technologie, la taille et la stratégie.
2.1. La technologie
Selon certains auteurs, certaines solutions organisationnelles sont plus pertinentes que d’autres en fonction du contexte technologique. La technologie est pourtant une variable dont la définition est floue tant s’agissant de son contenu que de sa mesure, ce qui est d’ailleurs gênant car elle est présentée comme l’une des variables les plus importantes pour décrire une organisation.
Trois essais de typologies classiques permettent d’appréhender cette variable. Ce sont les travaux de J. Woodward, de C. Perrow et de J.D. Thompson.
2.1.1. Les travaux de Woodward
Joan Woodward a mené une enquête sur 100 entreprises anglaises pour tenter de caractériser les relations entre la technologie et les systèmes d’organisation. Pour Woodward, la structure d’une entreprise est étroitement liée à son système technique de production.
« À mesure que la technologie progresse, tout le concept d’autorité dans l’industrie devra peut-être changer. Dans les entreprises de transformation, les relations entre supérieur et subalterne ressemblaient beaucoup plus à celles entre un agent de voyages et ses clients qu’à celles entre un contremaître et les opérateurs de la production de masse. Le travail du contremaître de procédé était d’arranger les choses dans les limites, fixées par l’usine, que lui et les opérateurs acceptaient. »
Joan Woodward
Ses travaux l’ont d’abord conduite à l’identification de trois formes de technologie de production :
1. La production à l’unité ou en petites séries. Elle se caractérise par la situation de produit conçu et fabriqué selon les spécifications du futur utilisateur donc très peu standardisé. Il est donc nécessaire d’être flexible pour s’adapter au mieux aux désirs des utilisateurs.
2. La production de masse. Dans ce cadre, le produit est plutôt standardisé et fabriqué en grande quantité. On vise les économies d’échelles et l’abaissement des coûts de – production.
3. La production en continu comme c’est le cas des entreprises du secteur chimique où on vise en général la fabrication dans un processus automatique d’un seul produit.
Ensuite, Woodward a proposé les prescriptions suivantes, qui portent plutôt sur les modes de contrôle qu’il conviendrait d’adopter au sein de son organisation.
- Lorsque l’entreprise adopte un système de production à l’unité ou en petites séries, elle doit développer un système de contrôle direct ou par ajustement mutuel au sein des opérateurs du système. Les structures doivent par conséquent être très souples pour favoriser la flexibilité requise.
- Si elle adopte au contraire un système de production de masse, les systèmes de contrôle beaucoup plus mécaniques sont alors adaptés. Ces modes de contrôle sont cohérents dans les structures formalisées.
- Enfin si le système de production de l’entreprise est du type continu, il conviendrait de développer un système de contrôle plus impersonnel. Le haut degré d’automatisation requise conduit à n’utiliser le personnel qu’à la surveillance des automatismes et à leur entretien.
Au moins deux remarques peuvent être faites sur les travaux de Woodward :
1. Premièrement, la typologie révélée débouche plutôt sur une échelle de technologie qui pose à son tour d’autres questions non résolues ! Comme le remarque Desreumaux, est-ce une échelle à complexité croissante ou une échelle de taux de changement ou de continuité ?
2. Deuxièmement, une lecture prudente des travaux de Woodward conduit à insister sur la nuance suivante : il s’agit moins explicitement d’un déterminisme technologie/structure.
Ce n’est pas la technologie qui induit la structure ou les modes d’organisation mais plutôt les exigences de contrôle entraînées par la technologie, même si les exigences de contrôle peuvent faire partie de la structure. Le fait que Woodward n’ait regardé que des entreprises de taille relativement modeste pourrait expliquer la nature de cette relation. En effet. 40 % des entreprises étudiées avaient moins de 250 employés.
2.1.2. Les travaux de Perrow
Pour ce sociologue, la technologie est un processus de transformation d’input en output, nécessitant pour ce faire des machines, informations, outillage, etc.
Dans cette acception de la technologie, deux dimensions servent de base à son identification.
1. D’une part les canaux mis en œuvre pour assurer la transformation. Le problème traité requiert-il une recherche de solution plus ou moins intense, selon qu’on est plus ou moins habitué à ces problèmes et qu’ils sont plus ou moins maîtrisés.
2. D’autre part la variété des problèmes concernés selon qu’ils comportent peu ou beaucoup d’exceptions.
A partir de ces deux dimensions, la typologie de technologie a été proposée.
Figure. La typologie de technologie de Perrow
- Le type Artisanat est caractérisé par une faible variété mais le processus de transformation n’est pas bien maîtrisé. Il n’existe pas un ensemble prédéterminé de procédures et de techniques à appliquer aux problèmes qui pourraient survenir. Le travail nécessite un professionnalisme et un entraînement car les décideurs répondent aux problèmes en grande partie sur la base de leur intuition et leur expérience. C’est l’exemple d’un athlète professionnel, des industries du bâtiment ou encore des acteurs sur les marchés financiers.
- Le type Bureaucratie professionnelle est caractérisé par une faible complexité en dépit de sa grande variété, car le problème reste globalement identique pour les professionnels. La complexité n’existe que pour le novice car la somme de connaissances accumulées fait qu’on dispose d’un répertoire d’analyse systématique et pertinente quelle que soit la variété des problèmes à résoudre. C’est le cas des cabinets d’experts comptables et fiscalistes, des hôpitaux, des universités, etc.
- Le type Routine est caractérisé par une faible variété des problèmes et l’utilisation de procédures claires et programmables dans la recherche de solution. La routine domine dans le travail. C’est l’exemple de l’activité d’audit d’une fonction dans la profession comptable.
- Le type ingénierie est l’opposé du type routinier. Il est caractérisé par une grande variété des problèmes requérant une recherche de solution et la bonne solution à un problème ne peut pas être identifiée à travers un schéma d’analyse et de procédure établi. On ne peut prédire le cheminement vers la bonne solution. Ce type de technologie requiert beaucoup de capacité d’analyse. Exemples : l’activité de conception des politiques économiques ou l’activité d’analyse stratégique dans les grands groupes industriels.
Comme prescriptions organisationnelles, il convient de retenir de cette typologie qu’une recherche de solution intense couplée à un cadre de variété faible de problèmes à traiter est adaptée à une organisation « façon artisanat » où prédominent l’adresse et l’habileté.
Au contraire, une faible recherche de solution ne nécessite qu’une organisation bureaucratique. Lorsque la recherche de solution est intense dans un contexte de forte variété de problèmes à traiter, une organisation décentralisée est adaptée. La bureaucratie ne supportant pas les exceptions, elle est à éviter lorsque les problèmes sont trop variés.
« De vastes organisations produisent un sentiment d’impuissance chez l’individu, conduisant à une diminution de l’effort. Le danger peut être évité s’il est réalisé par les administrateurs, mais il est d’un genre que la plupart des administrateurs sont constitutionnellement incapables de réaliser. Dans chaque plan bien rangé pour organiser le modèle de la vie humaine, il est nécessaire d’injecter une certaine dose d’anarchisme, suffisamment pour empêcher l’immobilité conduisant à la décadence, mais pas assez pour provoquer des perturbations. »
Bertrand Russell,
2.1.3. Les travaux de Thompson
Thompson considère que la technologie se caractérise par une forme d’interdépendance entre activités et opérations. Trois types d’interdépendance sont alors identifiés :
1. Le type partagé : plusieurs unités d’une organisation se partagent une ressource tout en restant indépendantes les unes des autres. Exemple : les enseignants au sein d’une même université partageant les mêmes locaux mais donnant les cours individuelle ment aux étudiants.
2. Le type séquentiel : une unité produit un résultat qui est le point de départ du suivant. La fabrication à la chaîne constitue un exemple.
3. Le type réciproque : deux unités dépendent réciproquement l’une de l’autre pour accomplir leur tâche.
Cette typologie est présentée comme une variable explicative du mode d’organisation de l’entreprise. L’organisation se fait donc en termes de communication. Ensuite, on lui associe des modes de coordination :
- L’ajustement mutuel est utilisé pour le type réciproque.
- La voie hiérarchique pour le type séquentiel.
- Les plans ou les procédures pour le type partagé.
Au total, la technologie pose un problème non résolu de définition qui aurait pourtant pu faciliter ou uniformiser son opérationnalisation. Est-ce tant pour sa difficulté ou pour son apparente évidence ? Personne n’ose véritablement définir la technologie. On devrait plutôt parler de technologies car les différents travaux la situent à plusieurs niveaux d’analyse : est-ce le poste de travail comme l’appréhende Perrow, le département ou l’unité de production, ou alors l’entreprise globalement considérée comme l’analysent Thompson et Woodward ?
2.2. La taille
La taille est un facteur interne de contingence de l’arrangement structurel d’une organisation. Certains chercheurs ont en fait le point central de leurs travaux en s’appuyant sur une régression multivariée d’échantillons d’organisations de différentes catégories. L’idée de départ consiste à comprendre les problèmes posés au niveau du groupe, de l’individu, voire de l’organisation elle-même, à travers une étude comparative des organisations.
L’hypothèse de base est que l’organisation structure le groupe qui lui-même structure l’individu. Ces travaux ont abouti à une contestation de la primauté de la technologie comme déterminant des structures, et souligné l’importance d’autres facteurs contextuels et principalement la taille de l’organisation. La taille d’une organisation a donc une incidence sur le choix de sa structure.
L’étude, qui a porté sur un échantillon de cinquante-deux organisations anglaises peut être résumée aux propositions ci-après.
- La taille constitue la cause prédictive majeure de la structuration.
- La concentration de l’autorité est une fonction du degré de dépendance de l’organisation vis à vis d’une autre organisation.
Beaucoup d’autres travaux ont par la suite confirmé ces constats. C’est ainsi par exemple que Blau, à partir d’une étude quantitative des agences d’emploi américaines et de leurs sous unités, a montré que l’accroissement de la taille d’une organisation entraîne une différenciation ou une plus grande bureaucratisation de ses structures.
2.3. La stratégie
Un troisième facteur de contingence interne est la stratégie. Bien que des définitions plus précises puissent être données, la stratégie concerne essentiellement le mode de couplage de l’entreprise avec son environnement. Selon le niveau auquel on se situe, la stratégie peut être définie comme le choix de ses différents domaines d’activités (la stratégie d’entreprise), la façon de gérer chacun de ces domaines (la stratégie concurrentielle), ou encore l’emploi de ses ressources financières, humaines, techniques etc. (la stratégie fonctionnelle)
Pour la théorie de la contingence, la stratégie détermine les résultats de l’organisation, donc ses performances. Compte tenu du contexte, certaines stratégies donnent de bons résultats mais aussi, et surtout interagissent avec les structures.
La thèse de l’interdépendance de la stratégie et des structures d’organisation a été mise en évidence par de nombreux travaux, qui ont privilégié des études longitudinales par intégration du temps au problème étudié.
Le travail majeur montrant l’interdépendance entre la stratégie et la structure organisationnelle d’une entreprise est celui de Chandler. Chandler part de l’observation de 4 grandes entreprises américaines entre 1860 et 1880, puis décrit la façon dont elles ont maîtrisé la complexité vécue en terme d’organisation pour identifier enfin une séquence stratégie/structure.
Selon ces travaux, à une stratégie donnée dans la vie de l’entreprise doit correspondre une organisation type. Il y a une forte relation entre certaines formes de stratégie et les structures développées :
- Un organe administratif émerge au sein de l’entreprise dès lors que celle-ci adopte une stratégie d’expansion en volume.
- L’administration se renforce dès lors que l’entreprise adopte une stratégie d’expansion géographique, c’est-à-dire lorsqu’elle multiplie ses sites d’implantation.
- Les structures fonctionnelles correspondent aux stratégies d’intégration L’entreprise reste dans la même industrie mais incorpore certaines des tâches de ses fournisseurs ou de ses distributeurs.
- Les structures divisionnelles sont très liées aux stratégies de diversification, c’est-à-dire au développent d’activités nouvelles.
Cependant, afin d’éviter toute caricature dans la séquence énoncée par Chandler, il convient de préciser que les entreprises ne changent pas de structure s’il n’y a pas de mauvaise performance. C’est donc au fond la perte d’efficience occasionnée par la nouvelle stratégie qui entraîne la volonté de changement d’organisation. Une nouvelle stratégie pouvant entraîner de nouveaux problèmes administratifs non maîtrisés qui conduisent à une baisse de performance. La recherche d’une nouvelle structure conduit donc à restaurer ces performances.
L’analyse de Chandler a fait l’objet de vérifications empiriques aux Etats-Unis, en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne, en Italie et plus récemment au Japon.
Les résultats de Chandler ont également été critiqués, mais la plupart des critiques résultent d’une lecture caricaturale de ces écrits, qui présente ses travaux comme une démonstration de l’hypothèse selon laquelle la structure est déterminée par la stratégie.
En fait, Chandler a affirmé que stratégie et structure sont interdépendantes, et donc qu’il n’y a pas plus de raisons de dire que la stratégie détermine la structure plutôt que l’inverse. D’ailleurs, Bower a montré que dans de nombreux cas, les choix stratégiques sont fortement conditionnés par les structures organisationnelles dans lesquelles évoluent les décideurs. La structure établit le cadre de réflexion, impose les frontières de la rationalité et filtre les décisions.
3. Les facteurs externes
Parallèlement aux facteurs internes de contingence, de nombreux travaux relevant du déterminisme contextuel ont aussi mis en avance l’influence de certains facteurs externes comme l’environnement ou la culture nationale dans le choix et le succès des structures organisationnelles.
3.1. L'environnement
L’environnement a été présenté comme un des principaux déterminants structurels des entreprises. A cet égard, deux conceptualisations de l’environnement sont à retenir.
D’une part l’environnement caractérisé en termes d’acteurs, d’autre part l’environnement caractérisé en termes d’attributs.
- Description de l’environnement en termes d’acteurs. Dans cette première approche, l’environnement est appréhendé à plusieurs Tout d’abord par énumération des acteurs avec lesquels l’entreprise est en relation : clients, syndicats, fournisseurs, etc. Au-delà de cette façon tout à fait classique d’appréhender le sujet, plusieurs dimensions peuvent tout aussi être considérées pour cerner l’environnement.
Il peut s’agir de la dimension économique, de la dimension politique, de la dimension culturelle ou scientifique. Au total, ces dimensions touchent aux éléments qui ne relèvent pas du quotidien. Enfin, des éléments tels que la responsabilité sociétale constituant des germes de changement peuvent aussi être considérés comme caractérisant l’environnement.
- L’environnement appréhendé en termes d’attributs ou caractéristiques. Selon cette approche, l’environnement se caractérise par les problèmes de gestion auxquels l’entreprise aura à faire face. Ainsi, un environnement simple ou complexe, hostile ou accueillant, turbulent ou paisible entraîne des façons de façons différentes de traiter les problèmes. Deux grands classiques illustrent cette approche. Il s’agit de la typologie d’Emery et Trist et celle de Duncan.
« La nature de l’environnement commercial mondial garantit que, quels que soient nos efforts pour créer une organisation stable et saine, notre organisation continuera à connaître des changements spectaculaires bien au-delà de notre contrôle. »
Margaret J.Wheatley
Une fois ce facteur caractérisé, il est possible de montrer l’impact de cette variable sur les structures d’organisation à travers quatre typologies parmi les plus célèbres.
3.1.1. La typologie d’Emery et Trist
A partir d’une enquête sur un échantillon d’entreprises, Emery et Trist aboutissent à une typologie des environnements selon leur taux de changement. Chaque environnement constituant une trame causale pour la structure de l’organisation. Quatre types d’environnements sont alors proposés :
- Environnement stable aléatoire : les composants constitués par cet environnement changent peu et sont faiblement connectés.
- Environnement stable structuré : il y a peu de changement de ces composants mais ceux-ci sont clairement agencés d’une certaine manière.
- Environnement instable réactif: un dynamisme prévisible et organisé existe au sein de ces composantes dynamisme moins prévisible existe au sein de ces composantes.
- Environnement turbulent : un dynamisme moins prévisible existe au sein des composants de l’environnement, tant pris individuellement que dans leurs relations d’interconnexion
3.1.2. La typologie de Duncan
Ce n’est pas une typologie qui procède d’une démarche conceptuelle comme précédemment. Duncan a plutôt utilisé une démarche empirique, par interrogation des acteurs d’un ensemble d’entreprises industrielles.
L’idée de base est que pour comprendre le fonctionnement d’une entreprise, il convient de considérer l’environnement tel qu’il est perçu. Pour Duncan, l’environnement n’est donc pas une donnée objective. D’une part, le nombre de facteurs ou de composants considérés, traduisant la complexité ou la simplicité et d’autre part, le taux de changement qualifié de statique ou dynamique constituent les repères qui permettent de caractériser l’environnement.
L’environnement perçu est alors soit stable ou complexe, soit statique ou dynamique. 4 environnements perçus sont ensuite proposés comme le montre le tableau ci-dessous :
Figure. Typologie de Duncan (1972), adapté de Desreumaux (1992)
- Un environnement à faible incertitude perçue se caractérise par un faible nombre de composants qui changent peu
- Un environnement à incertitude perçue modérément faible se traduit par un grand nombre de composants certes hétérogènes mais qui ne change pas beaucoup.
- Un environnement à incertitude perçue modérément forte renvoie à un faible nombre de composants ou de facteurs mais qui changent souvent.
- Un environnement à forte incertitude perçue quant à lui se caractérisé par un grand nombre de composants, hétérogènes, de plus en continuel changement.
3.1.3. Les travaux de Burns et Stalker
Burns et Stalker ont étudié comment l’environnement influençait les structures organisationnelles à partir d’une enquête sur une vingtaine de compagnies industrielles anglaises de tous secteurs d’activités (fabrique de fibres de rayonne, appareillage électrique, télévision et électronique).
Sur la base de l’appréciation de l’environnement par le taux de changement de technologie et du marché, ils sont parvenus à distinguer cinq types d’environnement : du plus stable (pas de changement dans la technologie et le marché) au moins prédictible (très grand changement à la fois dans la technologie et le marché)
En guise de résultat, Burns et Stalker ont énoncé que la structure d’une organisation dépend des facteurs externes, qui sont eux-mêmes se traduisent par l’incertitude de l’environnement dont la mesure est faite à l’aide des taux de changement de la technique et du marché :
- La structure d’organisation de type mécaniste, celle qui correspond donc à l’organisation bureaucratique décrite par Weber convient mieux à un environnement stable.
- La structure d’organisation de type organique, à l’opposé de la précédente, convient à un environnement instable.
Il convient de souligner qu’en réalité, ces deux types de structures constituent des types extrêmes d’un continuum de configurations.
« Devant qui les entreprises sont-elles vraiment responsables ? Leurs clients ? Leurs actionnaires? Leurs employés? Nous dirions que ce n’est rien de tout cela. Fondamentalement, les entreprises sont responsables de leur base de ressources. Sans un environnement sain, il n’y a pas d’actionnaires, pas d’employés, pas de clients et pas d’entreprise. »
Yvon Chouinard
3.1.4. Les travaux de Lawrence et Lorsch
Ces deux professeurs d’organisation à Harvard ont donné entre 1967 et 1979 une forme plus achevée aux travaux expérimentaux de Burns et Stalker. Ils ont essayé de répondre à la question suivante : Quelles sortes d’organisation son nécessaires pour faire face aux différents environnements de l’entreprise ?
Ils ont tiré leurs conclusions d’une étude expérimentale entre 1963 et 1966 sur 10 entreprises aux États Unis, dont 6 entreprises chimiques, 2 entreprises d’emballage et 2 entreprises alimentaires. Ces entreprises ont été choisies parce qu’elles montraient des différences importantes sur les caractères d’incertitude et de diversité de leur environnement respectif.
L’industrie plastique chimique est hautement compétitive et les cycles de vie des produits y sont historiquement court. Les entreprises doivent développer un nombre considérable de produits et de procédés nouveaux. L’environnement y est donc qualifié de variable et dynamique.
En revanche, l’industrie d’emballage n’a pas connu de nouveau produit depuis plus de vingt ans à cette époque. La croissance des ventes est limitée au taux de croissance de la population et au produit national brut. L’environnement est donc relativement certain et sans menaces importantes.
Entre ces deux extrêmes situent les entreprises de conserves alimentaires.
Dans un premier temps, Lawrence et Lorsch ont analysé la relation entre l’incertitude de l’environnement de l’(organisation (le taux de changements technologiques) et sa structure interne sous l’hypothèse que la structure de chaque sous-système de l’entreprise devait varier avec l’incertitude de son propre environnement. Ils ont sont parvenus à la conclusion que plus grand devait être le degré de certitude de l’environnement, plus formalisée devait être la structure.
Ils ont ensuite observé comment les différences dans les sous environnements génèrent es structures différentes, comment elles différencient l’organisation et ils ont constaté que plus les sous-systèmes sont différenciés, plus il faut trouver des instruments pour les intégrer, d’où la règle d’organisation suivante : plus l’environnement est turbulent, complexe, incertain, divers, plus les organisations doivent être diversifiées, mais plus elles sont différenciées sur le plan interne, plus elles ont besoin de mécanismes d’intégration pour coordonner l’action des différents départements
3.2. La culture nationale
L’impact de la culture nationale sur les structures organisationnelles suscite de nombreuses controverses, comme le note Desreumaux.
Certains nient l’influence des cultures nationales sur les organisations. Par exemple, pour ce courant, quel que soit le pays, plus une organisation est grande, plus elle est diversifiée. Les cultures ne sont pas importantes dans cette acception des choses.
« Pour survivre dans les temps modernes, une entreprise doit avoir une structure organisationnelle qui accepte le changement comme principe de base, laisse prospérer les coutumes tribales et favorise un pouvoir qui découle du respect et non des règles. En d’autres termes, les entreprises qui réussiront seront celles qui accorderont la priorité à la qualité de vie. Faites ceci et alors le reste (la qualité du produit, la productivité des travailleurs, les profits pour tous) suivra. »
Ricardo Semler
D’autres travaux ont contesté cette thèse en considérant la culture comme une variable de performance. Elle constitue soit un système de valeurs ou alors de façon élargie une référence institutionnelle. Les différences entre les organisations sont plutôt expliquées plus par le système d’éducation, la promotion.
Ainsi, Child et Kieser ont mené une étude empirique comparant les entreprises allemandes et britanniques. Les entreprises présentent d’un pays à l’autre des spécificités entraînées par les cultures respectives. En Allemagne, on constate un moindre formalisme du rôle managérial, contrairement à ce qui passe en France.
De même les travaux de Hofstede, s’appuyant sur une analyse de données d’un vaste échantillon révèlent quatre dimensions clés permettant de caractériser une culture nationale :
- Le degré d’individualisme traduisant les forces des relations entre les individus.
- La distance hiérarchique, c’est-à-dire la façon dont la société traite les inégalités.
- Le contrôle de l’incertitude, selon qu’on veut créer la sécurité ou accepter l’incertitude, le contrôle de l’incertitude est fort ou respectivement faible.
- La masculinité et la féminité qui traduisent la valorisation de la réussite ou de la domination par opposition (pour la masculinité), et la minimisation de la division et la valorisation de l’aide et de la modestie (pour la féminité).
En s’appuyant principalement sur la distance hiérarchique et le contrôle de l’incertitude, Hofstede caractérisa la nature des structures organisationnelles développées.
- Lorsque la distance hiérarchique est forte et que les institutions cherchent à créer la sécurité, il y a développement de structures hiérarchisées. C’est le cas dans les pays latins, comme en France, ou encore au Un faible contrôle de l’incertitude débouche au contraire sur des structures de type « famille », comme en Afrique.
- Lorsque la distance hiérarchique est faible dans un contexte de contrôle de l’incertitude ce sont des bureaucraties impersonnelles qui se développent comme en Europe centrale ou en Allemagne, au contraire des pays nordiques et anglo-saxons qui développent des adhocraties, dans un contexte de faible contrôle de l’incertitude.