Ry3YCIfy9O3dspN4I24zAl5DW-JZYBeoad6ke96nn-0

Leadership destructeur. Quand votre chef devient un ennemi

Avez-vous déjà envisagé de démissionner à cause de votre supérieur ou l’avez-vous même fait ? Alors vous n’êtes pas seul. Un employé sur 10 souffre régulièrement d’un comportement de gestion destructeur. Le comportement de leadership hostile et entravant est nuisible tant pour les entreprises que pour leurs collaborateurs et, selon des études, il est plus répandu qu’on ne le pensait initialement. Il est temps d’y remédier.

Mais comment puis-je reconnaître un leadership destructeur dans mon entreprise ? Comment le détecter dans l’entreprise ? Quelles en sont les conséquences ? Et quelles sont les contre-mesures prometteuses ?

Si, dans le passé, la recherche sur le leadership s’est surtout concentrée sur les formes, les antécédents et les conséquences d’un leadership constructif et efficace, les formes destructives de leadership ont également fait l’objet d’une attention scientifique accrue ces dernières années.

Ce qui vous attend dans cet article : 

1. Qu'est-ce que le leadership destructeur ?

Partant d’une multitude d’approches de définition dans la littérature actuelle sur le sujet proposent une définition centrale de la conduite destructive, que nous voulons également suivre dans cet article.

Le leadership est considéré comme un processus au cours duquel les actions, les expériences et les relations des employés sont influencées de manière répétée par le leader/manager, de telle sorte que les premiers ressentent le comportement du leader comme hostile et/ou gênant.

La définition met l’accent sur la répétition et la persistance du comportement, il ne s’agit donc pas d’un « dérapage » unique. La définition souligne également l’aspect de la perception ou de l’interprétation : c’est finalement le collaborateur ou l’employé qui décide si le comportement de conduite peut être qualifié de destructif, même si certaines formes de comportement objectif peuvent certainement augmenter la probabilité d’une telle perception.

Ceci est important, car d’autres définitions, font découler le leadership destructeur des conséquences négatives du comportement. Cependant, comme le soulignent parfois certains chercheurs, la définition par les conséquences peut, dans certaines circonstances, conduire à l’inclusion ou à l’exclusion irréfléchie de comportements.

Par exemple, des comportements managériaux en principe constructifs (tels que l’octroi d’une plus grande autonomie) pourraient avoir un effet négatif sur la performance, du moins dans un premier temps, alors que des comportements généralement perçus comme destructeurs (tels que la mise sous pression des collaborateurs) pourraient tout à fait conduire à une augmentation de la performance.

En outre, la définition des conséquences entraîne une confusion entre le concept et ses conséquences, ce qui pose des problèmes de maitrise de la question.

Mais qu’est-ce qu’un leadership destructeur ?

Il s’agit avant tout d’une conduite active. On entend par là des comportements blessants et personnellement abusifs, par exemple crier, insulter ou humilier des collaborateurs ou employés. En outre, d’autres comportements, tels que l’exercice d’un contrôle excessif ou l’exploitation des subordonnés, peuvent également en faire partie, dans la mesure où ils se répètent et sont considérés comme hostiles ou du moins gênants par les employés.

GUILLEMTS-VERTS

« Il y a de bons leaders qui guident activement et de mauvais leaders qui égarent activement »

Shiv Khera

Comment peut-on reconnaître un leadership destructeur et dans quelle mesure est-il répandu ?

Schyns, B. & Schilling, J. ont, à travers leur ouvrage « How bad are the effects of bad leaders? » fait ressortir les 3 critères qui caractérisent le comportement qualifié de « destructif » du leadership d’une personne :

1. le comportement du dirigeant est perçu par les collaborateurs comme hostile et/ou gênant est perçu comme tel.

2. il influence le vécu, les actions et/ou les relations des collaborateurs.

3. il se répète sur une période prolongée.

Si un cadre se lève une fois du mauvais pied et se défoule ensuite sur ses collaborateurs, il ne s’agit pas encore explicitement d’un management destructif. Mais si cela se produit plus souvent et prend un caractère systématique, cela prend une autre dimension. La situation est différemment.

La liste ci-après donne un aperçu des principaux comportements d’autorité destructeurs.

  • Traiter les collaborateurs de manière désagréable et impolie.
  • Impolitesse et actes irréfléchis ou manquant de tact
  • Agression verbale à l’encontre d’employés (insulter, crier…)
  • Contrainte et coercition
  • Se défouler sur les autres membres du personnel
  • Humilier, démoraliser et ridiculiser en public
  • Rendre les collaborateurs responsables de leurs propres erreurs
  • Rétention d’informations nécessaires
  • Refuser ostensiblement de reconnaître les bonnes performances des employés.
  • Punir les employés de manière arbitraire
  • Cris de colère bruyants, irritants (et sans raison)
  • Tromper, mentir ou trahir les employés
  • Monter les collaborateurs les uns contre les autres
  • Passer outre les collaborateurs, ne pas les impliquer dans les processus
  • Mettre les collaborateurs/employés sous pression, les intimider
  • Surcharge de travail pour les employés
  • Revendiquer les performances/réalisations des collaborateurs/trices

2. Les méfaits d’un leadership destructeur

Le point de départ de cette évolution est le constat des graves inconvénients individuels et économiques de la direction déstructurée. Le présent article présente les développements actuels dans ce domaine et les discute, notamment en ce qui concerne leurs implications pour la pratique organisationnelle.

Tout d’abord, la définition du leadership destructeur et l’état de la recherche sont examinés. Sur cette base, des perspectives pour le développement du personnel et de l’organisation (par exemple en ce qui concerne la sélection du personnel, les processus de feedback, les formations) sont discutées. Enfin, un aperçu des

Les outils de mesure actuels et une discussion sur les problèmes potentiels liés à la mesure du leadership destructeur.

Un manager ou un dirigeant qui critique ou sermonne un collaborateur ou un employé devant ses pairs, un responsable qui ne dit pas bonjour, un superviseur qui arrive trop tard, un chef qui ne fournit pas d’informations complètes, un dirigeant qui ne connaît pas le prénom de ces collaborateur illustre par exemple ce dont nous voulons parler dans cet article.

Il ressort clairement de ces exemples plus fréquents qu’on ne le pense que le leadership est souvent tout sauf positif. Les employés font de nombreuses expériences de comportements managériaux problématiques : cela va des supérieurs hiérarchiques qui se défoulent sur eux de fait de la colère qu’ils ont accumulée par ailleurs, à l’attribution de missions de travail humiliantes, en passant par l’utilisation abusive de collaborateurs comme boucs émissaires pour leurs propres erreurs.

GUILLEMTS-VERTS

« Le leadership consiste à résoudre les problèmes. Le jour où les soldats arrêtent de vous apporter leurs problèmes est le jour où vous avez cessé de les diriger. Ils ont soit perdu la confiance que vous pouvez les aider, soit concluent que vous ne vous en souciez pas. Dans les deux cas, c’est un échec du leadership. »

Colin Powell

Au-delà des témoignages anecdotiques, des études montrent également que le leadership destructeur joue un rôle important dans la perception des collaborateurs au sein des organisations. Soulignons toutefois, que l’on ne peut parler de destructivité profonde que si le comportement persiste.

Les recherches, enquêtes, ouvrages et articles de blogs sur le leadership destructeur se sont nettement intensifiés au cours des dernières années.

Les raisons de cette tendance sont nombreuses : un nombre croissant de résultats suggère que les coûts personnels sont élevés pour les personnes concernées. Des études ont montré que l’épuisement professionnel, des sentiments d’anxiété et les états dépressifs chez les employés ont été mis en relation avec un management destructeur.

Parallèlement, la productivité individuelle en pâtit et les comportements contre-productifs au travail augmentent. Les comportements de gestion destructifs augmentent le turnover au sein du personnel. La perte de collaborateurs et employés qualifiés entraîne une série de coûts directs et indirects pour l’organisation. Bref, la gestion destructive est donc (mais pas seulement pour cette raison) une affaire très coûteuse pour les organisations.

Si le comportement destructeur n’est pas freiné, stoppé, il peut se propager dans l’organisation et contribuer à un climat organisationnel destructeur (sur l’influence de la direction sur cette ambiance  organisationnelle).

3. Comment agit un leadership destructeur ?

Leadership-destructeur.3

L’importance de reconnaître le leadership destructeur dans les entreprises s’impose par la fréquence de ce type de comportement et par les dégâts qu’il occasionne. Des études empiriques montrent que plus de 10 % de tous les employés sont concernés, un nombre élevé de cas non déclarés est à craindre.

Il existe aujourd’hui une série de résultats de recherche sur les effets d’un leadership négatif et destructeur. Les résultats des nombreuses études montrent qu’un management destructif affecte en particulier l’attitude des subordonnés vis-à-vis de leur chef. La sympathie pour le chef et la confiance en lui diminuent.

Le bien-être, la satisfaction au travail et les sentiments de justice diminuent également, tandis que les sentiments négatifs augmentent. Du point de vue de l’organisation, il semble intéressant de noter que l’engagement des collaborateurs est plus important que celui des employés.

La performance des cadres diminue et les intentions de changement augmentent. De même qu’augmentent les souhaits de départs. Il est intéressant de noter que la performance individuelle des subordonnés n’est que faiblement liée à un leadership destructeur.

Pour les employés, il s’agit d’un comportement stratégiquement judicieux, car l’abstention immédiate de la performance pourrait entraîner un comportement de direction destructeur encore plus fort. D’autre part, les comportements de travail contre-productifs (tels que le vol ou la détérioration du matériel de travail, l’absentéisme) présentent un lien positif évident avec le leadership destructeur.

GUILLEMTS-VERTS

« Les mauvais leaders croient que leur équipe travaille pour eux. Les grands leaders croient qu’ils travaillent pour leur équipe. »

Alexander den Heijer,
conférencier motivateur

Dans l’ensemble, il apparaît donc qu’un comportement managérial négatif et destructeur a des effets nettement négatifs sur le vécu et le comportement des collaborateurs et employés. Si le manager est perçu par ses subordonnés comme un représentant de l’employeur, les effets négatifs s’en trouvent encore renforcés.

Des résultats récents indiquent également que le simple fait d’observer un leadership destructeur envers des collègues a un impact négatif sur le vécu et le comportement des subordonnés.

Les effets d’un leadership destructeur sur les performances organisationnelles et économiques n’ont pas encore fait l’objet d’une étude systémique, mais si l’on extrapole à partir des effets au niveau individuel, on peut s’attendre à des conséquences négatives considérables qui peuvent entrainer le déclin de l’entreprise et sa perte.

Dans la littérature, l’expérience de l’injustice sur le lieu de travail a été mise en avant comme cause du leadership destructif : Les cadres qui sont eux-mêmes dirigés de manière destructrice et qui considèrent cela comme une violation des règles d’équité semblent avoir une tendance accrue à diriger leurs subordonnés également de manière destructrice.

Parallèlement aux comportements de travail contre-productifs, on peut supposer que cet effet de ruissellement (ou effet boule de neige) est dû, entre autres, à un déplacement de l’agressivité en réaction à un comportement de conduite considéré comme injuste ou hostile.

Quoi qu’il en soit, le « ruissellement » du comportement destructeur à travers les niveaux hiérarchiques constitue un sérieux problème pour les organisations, car il indique que le leadership destructeur « non traité » se propage quasiment de lui-même et peut finalement paralyser de larges parties de l’organisation. En outre, les résultats suggèrent que les interventions contre le leadership destructeur devraient commencer au niveau du top management afin d’obtenir un succès durable.

4. Comment éviter un leadership destructeur ?

Les résultats disponibles sur les effets négatifs du leadership destructeur soulignent l’importance de la lutte contre celui-ci pour les organisations. Jusqu’à présent, la littérature scientifique n’a malheureusement abordé que de manière timide et marginale la question des interventions pratiques contre le leadership destructeur.

Néanmoins, quelques indications peuvent être tirées des recherches menées jusqu’à présent. On peut diviser les mesures possibles en deux catégories :

  • Celles qui interviennent au niveau de l’organisation et
  • Celles qui interviennent au niveau des cadres individuels.

Les premières sont axées sur le développement de structures et de processus sociaux au sein de l’organisation, les secondes sur la qualification des individus dans le cadre du développement du personnel.

4.1. Mesures du développement organisationnel contre le leadership destructeur

On décrit souvent comme élément clé de toutes les mesures contre le leadership destructif la construction d’une culture organisationnelle qui devrait être caractérisée par les aspects de l’équité, de l’apprentissage et de l’empowerment.

Comme nous l’avons vu précédemment, l’injustice perçue est un facteur central dans l’émergence d’un leadership destructeur, d’où l’importance d’une culture de l’équité. Un environnement de travail caractérisé par l’apprentissage, en particulier un climat de gestion constructive des erreurs est le contrepoint positif de la culture du bouc émissaire,

Cette situation n’est malheureusement pas atypique dans de nombreuses organisations, et dans laquelle les collaborateurs sont sanctionnés publiquement en cas d’erreur, ce qui est notamment un aspect essentiel du leadership destructeur.

Enfin, l’empowerment désigne le renforcement de l’autonomie et de l’autodétermination des employés, ce qui permet de lutter contre l’abus de pouvoir hiérarchique sous la forme d’une direction destructrice. Cette triade d’une culture de direction constructive peut être encouragée par différentes mesures de développement.

4.1.1 Elaboration de principes directeurs contre les comportements destructeurs

C’est pourquoi les principes directeurs devraient se traduire par des mesures plus concrètes telles que :

Des accords d’entreprise contre l’influence destructrice, la discussion des principes directeurs dans le cadre des entretiens avec les collaborateurs et la mise en place de personnes de contact. Cette dernière peut prendre la forme d’un bureau interne, les employés pouvant s’adresser à un médiateur en tant que personne de confiance en cas de harcèlement moral.

Il convient toutefois d’accueillir avec prudence certaines indications, qui préconisent des « politiques de tolérance zéro » face à la conduite destructrice, ou  la règle du « pas de connard » du psychologue américain Robert Sutton.

Même s’il convient de lutter contre le leadership destructeur, le risque existe que de telles idées directrices suggèrent l’erreur fondamentale d’attribution selon laquelle le leadership destructeur est uniquement ou principalement lié à des dirigeants destructeurs isolés (qui doivent être sanctionnés en conséquence).

En revanche, d’autres experts affirment qu’un leadership destructeur est toujours la conséquence d’un personnel sensible et d’un cadre organisationnel dysfonctionnel.

GUILLEMTS-VERTS

« Les mauvais leaders se soucient de savoir qui a raison. Les bons leaders se soucient de ce qui est juste. »

Simon Sinek ,
auteur et conférencier motivateur

Selon ce point de vue, les règles et les lignes directrices visant à éviter le leadership destructeur devraient être conçues de manière à ne pas stigmatiser unilatéralement le leadership, mais à donner des impulsions positives pour renforcer l’affirmation de soi des collaborateurs (par exemple en encourageant la proactivité), en améliorant la culture organisationnelle (par exemple en définissant des règles du jeu contraignantes pour la communication et la coopération) et en optimisant le comportement de conduite (par exemple en décrivant de manière exemplaire les comportements de conduite acceptables et inacceptables).

4.1.2 Sélection de cadres orientés vers les valeurs et la résilience

Même si la plupart des recherches montrent que ce sont surtout les facteurs situationnels (en particulier l’injustice vécue) qui contribuent à l’émergence d’un leadership destructeur, une sélection appropriée du personnel (de candidats internes et/ou externes) peut également contribuer à l’émergence d’un leadership destructeur.

Certain montrent que les organisations peuvent attirer des dirigeants éthiques en faisant connaître leur position éthique à l’extérieur. Cela peut se faire, par exemple, en mettant l’accent sur les principes éthiques dans l’auto-présentation de l’organisation ou dans les offres d’emploi pour les cadres, ou plus généralement en démontrant la responsabilité sociale de l’entreprise.

En outre, comme nous l’avons déjà mentionné, les traits de personnalité négatifs peuvent influencer la disposition à un comportement de leadership destructeur, tout comme des attitudes telles que l’autoritarisme ou un style hostile. Dans ce contexte, il semble souhaitable d’évaluer de tels traits de personnalité lors de la sélection du personnel. La mise en place d’une procédure de test qui doit mesurer les comportements destructeurs peut s’avérer fort utile.

Il faudra toutefois attendre pour savoir si et dans quelle mesure de telles procédures de test, qui peuvent comporter un risque de stigmatisation de certains candidats en raison de leur contenu négatif, seront finalement acceptées dans les organisations (et notamment par les représentants du personnel).

Une autre approche de la sélection du personnel, peut-être plus pratique, peut être déduite de l’hypothèse décrite précédemment selon laquelle le leadership destructeur trouve son origine dans l’injustice vécue par le leader. De ce point de vue, il serait souhaitable de recruter des cadres capables de supporter le stress et les injustices sans faire subir à leurs collaborateurs et employés la frustration qu’ils ont vécue. Pour la sélection du personnel, cela signifie que la résilience (ou psychological hardiness) dans le sens de résistance, devient une condition d’aptitude pour les cadres.

La résilience signifie que les personnes sont capables de gérer le stress de manière constructive malgré les frustrations et les contraintes, et de briser ainsi la cascade typique de la conduite destructrice. Ici aussi, il est possible d’évaluer la situation à l’aide de tests de personnalité, comme par exemple le test de la « capacité de résistance ».

En outre, la résilience peut être utilisée comme critère d’exigence dans les centres d’évaluation, où elle peut être testée de manière ciblée et dans des situations proches de l’activité professionnelle dans le cadre de différents exercices (tels que des business games, des discussions de groupe, etc.)

4.1.3 Planification de la succession avec développement ciblé

La planification de la succession dans de nombreuses entreprises se limite à l’identification des cadres à potentiel, alors que ceux-ci ne sont pas suffisamment préparés aux tâches de direction qui leur sont confiées.

Dans certaines circonstances, la première pierre de problèmes de gestion ultérieurs, voire de gestion destructrice, est ainsi posée : Les cadres qui ne s’estiment pas suffisamment préparés à leur nouveau rôle de direction subiront probablement un stress encore plus important et des moments de frustration plus nombreux que ceux auxquels ils auraient pu s’attendre dans ce rôle.

GUILLEMTS-VERTS

« Vous pouvez distinguer un intimidateur d’un leader par la façon dont il traite les personnes qui ne sont pas d’accord avec lui. »

Miles K. Davis,
président du Linfield College

En conséquence, la probabilité d’un comportement de conduite destructeur devrait également augmenter, conformément à l’hypothèse du déplacement de l’agressivité décrite précédemment (la fameuse boule de neige).

Par conséquent, une planification stratégique de la succession à long terme, qui prépare la relève à des rôles de direction futurs grâce à des possibilités d’apprentissage appropriées, peut prévenir le surmenage ultérieur et la direction destructrice qui en résulte. Cela permet de faire le lien avec le développement de la capacité de direction au sens strict du terme.

4.2. Mesures du développement du leadership contre le leadership destructeur

Alors qu’au niveau du développement de l’organisation, il s’agit en premier lieu de mettre en place une structure de gestion des ressources humaines, cette fois-ci, il s’agira d’intervenir sur les comportements individuels.

Si l’objectif est de créer une culture organisationnelle favorable, le développement du leadership consiste à faire évoluer en permanence les pratiques individuelles de leadership sur la base de valeurs et d’attitudes claires, afin de parvenir à une pratique réfléchie qui reconnaisse le comportement de leadership destructeur en tant que tel et qui s’efforce d’y mettre fin.

Pour ce faire, il est possible d’utiliser divers instruments éprouvés de développement du leadership dont nous allons maintenant expliquer plus en détail l’utilité dans le cadre d’un leadership destructeur.

4.2.1 Feedback par évaluation du personnel

Le feedback est une source d’information centrale pour le développement du comportement de conduite. Il se peut que de nombreux cadres ne soient pas conscients du caractère destructeur de leur comportement ; dans ce cas, le feed-back systématique de leur supérieur hiérarchique dans le cadre d’entretiens avec les employés peut offrir des points de départ pour un développement constructif.

Le feed-back 360◦ peut être considéré comme un complément et une extension de cette approche, dans le cadre de laquelle le comportement du dirigeant ne dépend pas uniquement de son supérieur hiérarchique. Les résultats de nombreuses études montrent que l’évaluation de la conduite destructrice n’est pas seulement le fait des dirigeants, mais aussi des collègues et des employés.

Les divergences entre les différentes estimations et entre la vision de soi et celle des autres (subjectivité de la conduite destructrice) offrent des points de départ pour le développement du comportement de conduite.

Comme le souligne Sutton déjà évoqué plus haut, dans ce contexte, il est essentiel, dans le cadre de l’évaluation du personnel, de ne pas faire de distinction entre la performance d’un dirigeant et son comportement de dirigeant, c’est-à-dire que le comportement de dirigeant doit toujours être considéré comme faisant partie de la performance du dirigeant.

En effet, il n’est pas rare qu’un comportement destructeur soit toléré lorsque le leader concerné obtient des résultats, ce qui revient à encourager implicitement un leadership destructeur. A l’inverse, le développement des évaluations doit prendre en compte de manière positive le potentiel de gestion propre des employés, car c’est ainsi que l’on peut promouvoir une culture de l’empowerment.

4.2.2 Feedback par des enquêtes régulières auprès des employés

Outre le feedback spécifique dans le cadre de l’évaluation du personnel, les enquêtes auprès des employés constituent une autre source de feedback précieuse pour le développement du personnel de direction.

Les analyses des enquêtes par département (sans violation de l’anonymat des employés pris individuellement) permettent aux responsables des ressources humaines de se faire une idée de l’ampleur du leadership destructeur dans leur propre organisation.

Un tel screening (Le candidat est sollicité pour trouver une solution à une situation pratique) ne peut cependant n’être qu’un point de départ, car il ne doit pas s’agir d’identifier des mauvais dirigeants individuels (ce qui correspondrait à une culture classique du bouc émissaire, à laquelle il a été fait allusion précédemment), mais de rendre l’interaction de gestion entre les supérieurs et les employés plus constructive en mettant en place des mesures de développement concrètes.

4.2.3 Apprentissage sur le lieu de travail

Par apprentissage sur le lieu de travail, on entend ici des impulsions de développement pour les cadres qui sont directement liées à leur activité et qui se distinguent ainsi des formations de cadres classiques, plutôt éloignées du lieu de travail, mais aussi des situations de conseil individuelles comme le mentorat et le coaching.

Il s’agit par exemple de l’apprentissage par l’expérience à l’aide de tâches exigeantes, comme dans l’approche « Action Learning ». Dans ce cas, une équipe de jeunes cadres est chargée de résoudre ensemble un problème commercial réel, que l’équipe doit résoudre de manière autonome, avec un accompagnement approprié (par des cadres supérieurs, des mentors, des formateurs). Il n’est pas moins exigeant de confier entièrement la responsabilité de certains projets aux cadres de relève.

Ils bénéficient également d’un accompagnement approprié pour les gérer. L’apprentissage par l’expérience peut aider à éviter les comportements de leadership destructeurs en testant et en comparant différentes approches de la gestion du personnel dans différentes situations et contextes, notamment stressants.

GUILLEMTS-VERTS

«Le leadership ne vous concerne pas. Il s’agit d’investir dans la croissance des autres. »

Ken Blanchard,
auteur et consultant en affaires

Avec l’aide des accompagnateurs de processus, les comportements constructifs sont élaborés et consolidés, tandis que les évolutions négatives peuvent être détectées et éliminées à temps. De cette manière, un exemple concret de travail permet d’éviter de tomber dans des comportements destructeurs.

Une autre forme d’apprentissage sur le lieu de travail est l’apprentissage de modèles de rôle. Dans le contexte d’un comportement éthique, ce sont justement les jeunes cadres qui profitent de modèles de rôle agissant de manière éthique dans leur travail quotidien. Il semble donc qu’il y ait un effet de cascade positif, dans lequel un comportement de leadership constructif à un niveau supérieur finit par faire des émules à des postes subalternes.

Cette idée souligne une fois de plus l’importance d’une approche globale de la gestion destructive qui nécessite une approche concertée au niveau de l’organisation et de la gestion.

4.2.4 Mentorat et coaching

Le mentorat et le coaching sont des offres de soutien individuel qui visent à développer la compétence d’action et la personnalité des personnes conseillées. Le coaching est généralement proposé par des conseillers externes formés à cet effet, qui aident les cadres (en particulier les seniors) à s’aider eux-mêmes à relever des défis et à résoudre des problèmes professionnels concrets, en tant que partenaires neutres de réflexion et d’impulsion. Les mentors, quant à eux, sont des cadres seniors de l’organisation de la personne conseillée (mais pas des supérieurs hiérarchiques), qui peuvent aider les cadres de la relève dans leur travail personnel.

Les coachs peuvent notamment aider les cadres à identifier les déclencheurs et les causes personnelles d’un comportement de leadership destructeur et à les traiter de manière ciblée (par exemple, identifier et modifier les réactions dysfonctionnelles au stress professionnel). D’autre part, les mentors peuvent aider à résoudre les défis professionnels en proposant des conseils et des alternatives d’action basés sur leur expérience personnelle et en jouant eux-mêmes le rôle de modèle, contrecarrant ainsi, le cas échéant, les impulsions vers des comportements de conduite destructeurs.

4.2.5 Formation au leadership

Il semble également judicieux d’intégrer le thème de la conduite destructive dans les formations classiques à la conduite. Jusqu’à présent, ces formations se sont concentrées sur la transmission et le renforcement d’un comportement de conduite positif et constructif.

Au lieu d’optimiser à grands frais un comportement de conduite exclusivement constructif, il pourrait être plus utile (et peut-être aussi plus économique) d’aider les cadres à identifier et à éliminer les comportements destructeurs. Cela devrait d’abord se faire par une introduction aux formes de conduite destructive, aux déclencheurs potentiels et aux conséquences.

En outre, la modélisation du comportement (role modeling), déjà évoquée, peut être utilisée pour concevoir des mesures de formation, comme c’est le cas pour la formation à la modélisation du comportement. Les comportements souhaités et non souhaités (par exemple un feedback constructif ou un dénigrement des employés) sont illustrés à l’aide d’exemples concrets de comportements (par le formateur, des vidéos ou autres) et réfléchis avec les participants.

Ensuite, les participants utilisent eux-mêmes le comportement cible envisagé et déterminent des stratégies de transfert dans le quotidien professionnel.

Certains spécialistes proposent dans ce contexte d’augmenter la conscience de soi (self-awareness) des cadres, afin qu’ils puissent briser les automatismes (négatifs) et être en mesure de développer de nouvelles manières d’agir.

GUILLEMTS-VERTS

« Vous pouvez distinguer un intimidateur d’un leader par la façon dont il traite les personnes qui ne sont pas d’accord avec lui. »

Miles K. Davis,
président du Linfield College

Les événements déclencheurs (trigger events), c’est-à-dire les expériences particulières vécues dans le cadre du travail de direction, sont un bon moyen d’y parvenir. Ces spécialistes soulignent que l’accent devrait être mis sur la réflexion des succès (par exemple, lorsque la colère accumulée n’est pas déversée sur les autres collaborateurs malgré des expériences négatives), afin d’améliorer la qualité du travail.

Conclusion

Les formes négatives et destructrices de leadership constituent un problème sérieux pour le succès économique et le climat social des organisations en raison de leur « contagion », des coûts qu’elles engendrent et surtout de la charge mentale qu’elles font peser sur les personnes concernées.

Ces dernières années, les connaissances sur les antécédents et les conséquences d’une direction destructrice se sont multipliées, mais il s’avère également que ces connaissances n’ont guère eu d’effet sur le travail du personnel dans les organisations.

Avec les mesures de développement du personnel et de l’organisation discutées précédemment, nous disposons d’une série d’approches potentiellement efficaces pour empêcher la direction destructrice, mais qui nécessitent encore un examen scientifique plus approfondi. Cependant, au vu des conséquences parfois graves d’un leadership destructeur, un tel projet semble plus qu’opportun et plus qu’urgent.

En tout état de cause, en ces temps de pénurie croissante de main-d’œuvre qualifiée et de concurrence pour attirer les jeunes talents, aucune entreprise ne peut se permettre d’avoir des cadres qui font fuir leurs collaborateurs par un tel comportement de direction, dit destructeur.

Si cet article vous a plu, veuillez le partager autour de vous.